La yourte
Il y a de cela quelques semaines, le même Français qui était en marge de mon voyage en Colombie, s’est invité à nous rendre visite sur la Côte-Nord (il maintient que je ne parle que de moi dans les textes écrits en Colombie). Stéphane, de son prénom, est venu à plusieurs reprises dans notre maison de Port-Cartier. Habituellement, nos activités sont assez paresseuses. Lors d’une de ses visites de deux jours, tout ce que nous avions fait, c’était d’écouter des films.
Cette fois-ci, pour une visite de trois jours, nous allions en écouter encore beaucoup. La différence est que nous allions aussi passer une nuit dans une yourte, dans la forêt, par -15 degrés. L’idée m’est venue lorsqu’une collègue et amie d’Annie, est revenue d’y passer le weekend avec des élèves. Je pensais que Stéphane serait intéressé par une semblable aventure. Il l’était. J’y étais déjà allé pour un souper avec des collègues du IGA en 2013, mais j’étais arrivé après la tombée de la nuit et je n’étais pas resté longtemps. Les souvenirs que j’en gardais étaient plutôt flous.
Le samedi suivant l’auto-invitation, la France envahissait la rue Simard à Port-Cartier, à bord d’une Toyota Corolla rouge. Après un souper de crêpes, nous sommes allés marcher sur la côte du Trois Miles parce que j’aime éprouver Stéphane et sa haine de monter des côtes, mais aussi pour respirer l’air à -25, voir la ville de nuit, regarder les étoiles et peut-être des aurores boréales. Il n’y en avait pas. Le dimanche, nous avons fait un petit tour en ville. J’ai montré le centre commercial à Stéphane. Nous avons écouté des films.
La véritable aventure commençait le lundi. J’ai quitté le travail plus tôt et nous sommes partis après dîner. Nous étions plus chargés que pour partir un mois en Colombie. C’est qu’il fallait apporter notre eau, notre bouffe et nos casseroles, ainsi que nos sacs de couchage et nos raquettes.
La base de plein air les Goélands, où se trouve la yourte, est à 10 kilomètres de la maison. Sur place nous avons acquitté les frais pour notre hébergement de luxe. La dame qui nous accueillait a mentionné la très belle température, que Stéphane a qualifiée de «magnifique». Nous pensons qu’elle n’avait jamais entendu ce mot dans une conversation. Elle est ensuite allée chercher la motoneige, pour nous faire faire les quatre kilomètres jusqu’au site, construit au bord du St-Laurent.
Le trajet n’était pas bien long, mais j’ai eu le temps de me demander où j’avais mis la clé de la yourte. Notre chauffeuse me l’avait donnée au moment de payer. Je croyais l’avoir mise dans ma poche de salopette alors je suis allé voir. À ce moment, quelque chose est tombé sur ma botte. C’était clair dans ma tête, je venais de perdre la clé dans la neige, quelque part entre l’accueil et la yourte. Puis, je me suis souvenus que Stéphane m’avait demandé où j’avais mis la clé. Je l’avais bien mise dans la poche que je venais de fouiller, mais nous avions trouvé plus prudent de la mettre en sécurité derrière une fermeture éclair. Le minuscule trousseau était dans ma poche de manteau. Ma botte avait probablement frappée une branche au passage, ou alors j’ai vraiment perdu quelque chose et je n’ai pas encore réalisé ce que c’était.
Après 10 minutes nous y étions et Stéphane, qui avait pris place dans la ‘sleigh’, était couvert de neige. Le site était réellement magnifique. Nous étions devant une petite baie gelée et au loin, nous voyions les bateaux minéraliers attendant devant Port-Cartier. La dame est restée juste le temps de s’assurer que nous pouvions entrer.
La yourte n’est pas faite de toile comme au Kirghizstan, mais de bois. Des fenêtres sont disposées sur environ un tiers des murs, ceux donnant sur la mer. Un petit foyer, une boîte pour le bois, deux grandes tables, une petite, deux futons en piètre état, une armoire et beaucoup de chaises constituaient le mobilier. Nous avons tout de suite fait un feu pour réchauffer l’endroit. Nous ne sommes pas sortis en raquettes, parce que nous préférions profiter de notre gîte.
Les deux futons ne tenaient plus en position assise. Nous avons réussi à caler des bûches sous un des dossiers. Je suis allé remplir la bouilloire de neige pour faire du thé. Ce n’était pas une très bonne idée, puisqu’une fois fondue il restait environ un centimètre d’eau. Nous avons mis à cuire des patates dans la braise. Nous avions aussi des bretzels, des saucisses à hotdogs, des bonbons colombiens de la marque Trululu et des pâtisseries colombiennes.
Nous faisions griller les saucisses au bout de branches, comme sur un feu de camp. Sur les patates qui ont mis une heure à cuire, nous avons étendu de la margarine, mais nous avions oublié le sel. Nous avons utilisé les miettes au fond du sac de bretzels. Nous avons appelé cette création, l’octoberpatate®.
Nous sommes sortis plusieurs fois pour voir l’évolution de la lumière du soleil et des étoiles. C’était une nuit sans lune et le ciel était impressionnant. Nous pouvions très bien voir la Voie Lactée. À un moment, Stéphane a dit qu’il aimait beaucoup cette yaourt. Pour dormir, nous avons disposé les deux futons autour du poêle. Nous nous sommes réveillés à toutes les heures pour ajouter du bois.
Aussi surprenant que cela puisse paraître et malgré les nombreux réveils pour alimenter le feu, nous avons bien dormi. Au matin, la température était bien changée dehors. Le soleil avait fait place au vent, à la neige et au froid. Nous avons déjeuner tranquillement avec du pain grillé dans le poêlon de fonte de Stéphane. Nous avons fait du thé. Nous n’avons pas fait de raquettes. Nous avons lu les messages laissés par des occupants précédents dans un livre d’hôte. Stéphane a écrit un truc brillant au sujet de mes hémorroïdes. Il arrive souvent que notre âge mental descende à 15 ans.
À 10h15 la dame de l’accueil était là pour nous reprendre. Nous n’avons jamais su son nom, mais nous nous faisions un devoir de lui en trouver un nouveau à chaque fois que nous parlions d’elle. Cette fois j’ai pris place dans la ‘sleigh’ et j’ai regardé vers l’arrière, parce que sinon je ne voyais que la motoneige et ses occupants. Nous étions rentrés à la maison à 10h35. Nous avons continué à écouter des films avec Annie.