J'aime bien les anniversaires. Je tiens un registre en constante évolution des vivants, comme des morts. Rien, ni personne n'y échappe. Voilà pourquoi je sais qu'il y a peu de temps, c'est à dire le 2 décembre 2018, il y a eu cent ans qu'Edmond Rostand était mort à l'âge de 50 ans. Quelques mois plus tard, le mercredi 6 mars 2019, c'était le 400e anniversaire du véritable Cyrano de Bergerac. Je me suis dit que c'était une bonne occasion d'écrire un billet. De plus, tout cela correspond avec la sortie en salle du film Edmond, pour lequel j'ai eu d'excellents commentaires.
Ma vieille édition de poche |
Les origines
Le héros, de son nom complet Savinien de Cyrano de Bergerac, fut soldat, auteur, bretteur, libertin et syphilitique. Il est né à Paris en 1619. Le peu que l'on connaît sur sa vie vient de ses amis et en particulier Henry Le Bret, aussi un personnage important de la pièce de Rostand, qui a écrit la notice biographique dans un des livres de Cyrano. Réputé d'une grande laideur, affublé d'un nez disproportionné, un autre de ses amis le comparait à un perroquet. Il a écrit quelques livres, quelques pièces, des pamphlets pour la Fronde, qui tentait de renverser la régente et son ministre et des pamphlets pour Mazarin, le ministre de la régente. Si ce n'est pas de la liberté de pensée, ça. Il est mort en 1655 dans des circonstances nébuleuses. Certains diront qu'il a été emporté par ses vieilles blessures de guerre, d'autres par la maladie qui le rongeait, ou encore assassiné par un de ses ennemis. Il avait 36 ans.
L'auteur, de son nom complet Edmond Eugène Alexis Rostand, était le fils d'un journaliste-poète. Il est né à Marseille en 1868. Neurasthénique, c'est-à-dire constamment déprimé, anxieux et fatigué, Rostand aura souvent du mal à mener à terme ces nombreux projets. L'histoire lui accordera peu de succès, bien qu'il ait travaillé avec d'illustres contemporain(e)s, comme la comédienne Sarah Bernhardt. Aujourd'hui, on se souvient de lui pour une seule de ses oeuvres, la pièce en cinq actes Cyrano de Bergerac. Je sais, il était de l'Académie française et n'y entre pas qui veut, mais essayez de nommer une autre oeuvre de cet homme, sans regarder sur Wikipédia. Il y a peu de chance que vous y arriviez. Après Cyrano les attentes du public étaient très élevées. Ce que l'auteur a écrit n'était pas nécessairement mauvais, mais ça n'avait pas le panache de son Cyrano de Bergerac. Rostand sera emporté par l'épidémie de fièvre espagnole de 1918. Il avait 50 ans.
Séparés par deux siècles, ces deux hommes se doivent beaucoup. Sans Rostand, Cyrano ne serait connu que par quelques professeurs d'université en cardigan marron. Sans Cyrano, Rostand ne serait qu'un nom sur la liste des académiciens oubliés.
Le héros, de son nom complet Savinien de Cyrano de Bergerac, fut soldat, auteur, bretteur, libertin et syphilitique. Il est né à Paris en 1619. Le peu que l'on connaît sur sa vie vient de ses amis et en particulier Henry Le Bret, aussi un personnage important de la pièce de Rostand, qui a écrit la notice biographique dans un des livres de Cyrano. Réputé d'une grande laideur, affublé d'un nez disproportionné, un autre de ses amis le comparait à un perroquet. Il a écrit quelques livres, quelques pièces, des pamphlets pour la Fronde, qui tentait de renverser la régente et son ministre et des pamphlets pour Mazarin, le ministre de la régente. Si ce n'est pas de la liberté de pensée, ça. Il est mort en 1655 dans des circonstances nébuleuses. Certains diront qu'il a été emporté par ses vieilles blessures de guerre, d'autres par la maladie qui le rongeait, ou encore assassiné par un de ses ennemis. Il avait 36 ans.
L'auteur, de son nom complet Edmond Eugène Alexis Rostand, était le fils d'un journaliste-poète. Il est né à Marseille en 1868. Neurasthénique, c'est-à-dire constamment déprimé, anxieux et fatigué, Rostand aura souvent du mal à mener à terme ces nombreux projets. L'histoire lui accordera peu de succès, bien qu'il ait travaillé avec d'illustres contemporain(e)s, comme la comédienne Sarah Bernhardt. Aujourd'hui, on se souvient de lui pour une seule de ses oeuvres, la pièce en cinq actes Cyrano de Bergerac. Je sais, il était de l'Académie française et n'y entre pas qui veut, mais essayez de nommer une autre oeuvre de cet homme, sans regarder sur Wikipédia. Il y a peu de chance que vous y arriviez. Après Cyrano les attentes du public étaient très élevées. Ce que l'auteur a écrit n'était pas nécessairement mauvais, mais ça n'avait pas le panache de son Cyrano de Bergerac. Rostand sera emporté par l'épidémie de fièvre espagnole de 1918. Il avait 50 ans.
CYRANO
[...] Il y a malgré vous quelque chose
Que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
j'emporte malgré vous, et c'est... Mon panache.
RIDEAU
Séparés par deux siècles, ces deux hommes se doivent beaucoup. Sans Rostand, Cyrano ne serait connu que par quelques professeurs d'université en cardigan marron. Sans Cyrano, Rostand ne serait qu'un nom sur la liste des académiciens oubliés.
La pièce en bref
Cyrano de Bergerac a été présenté pour la première fois le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte St-Martin à Paris. Ce fut un triomphe. Le président de la république, Félix Faure, assistera à la pièce avec toute sa famille.
Voici mon résumé de la pièce de Rostand :
Voici mon résumé de la pièce de Rostand :
Cyrano de Bergerac est un Gascon au long nez et à l'esprit libre et effronté. C'est un féroce combattant, un rimeur de génie et il est amoureux de sa cousine Magdeleine Robin, dite Roxanne. Un jour, il reçoit par l'entremise de son ami Henry Le Bret, une demande de rendez-vous avec la belle. Pour calmer sa joie, il sauve un autre de ses amis, qui avait insulté un homme puissant avec une chanson, d'une troupe de 100 hommes venus l'assassiner.
Une fois devant Roxanne, il réalise bien vite qu'elle n'est pas là pour lui déclarer son amour, mais plutôt pour lui demander de veiller sur un nouvel engagé dans sa compagnie de cadets. Le jeune homme se nomme Christian de Neuvillette. Ils se sont croisés, mais ils ne se sont jamais adressés la parole. Déçu, mais curieux, le héros accorde son aide à sa cousine.
Christian est un jeune homme séduisant, issu de la petite noblesse et idiot autoproclamé. Il est, coup de théâtre, aussi épris de Roxanne. Cyrano lui apprend que la jeune femme est amoureuse. Christian devient ivre de joie, mais revient vite sur terre, puisqu'il sait que l'amour ne passera pas l'épreuve d'une première rencontre.
CHRISTIAN
Non ! car je suis de ceux, - je le sais... et je tremble ! -
Qui ne savent parler d'amour
CYRANO
Tiens !... Il me semble
Que si l'on eût pris soin de me mieux modeler,
J'aurais été de ceux qui savent en parler.
Cyrano offre de l'aider avec ses mots. Il tentera sans succès d'inculquer quelques notions au jeune homme. Il lui soufflera la réplique lors des rencontres interdites et il écrira de sa main, des centaines de lettres d'amour.
Tout cela se déroulant lors de la Guerre de Trente Ans, les cadets se retrouveront bientôt assiégés à Arras. Avant de partir au combat, Christian et Roxanne, qui ne se sont toujours pas vraiment parlés, sinon avec l'aide de Cyrano dans l'ombre, décident de se marier.
Au siège d'Arras, Cyrano est déterminé à soigner l'image de Christian et maintient sa correspondance en traversant les lignes ennemies quotidiennement. Il y trouve évidemment une grande satisfaction, pouvant librement manifester son amour pour Roxanne, à travers le jeune homme.
Incapable de se retenir plus longuement, Roxanne décide de venir voir Christian, qui lui écrit si bien l'amour. Elle réussit à passer, mais l'ennemi attaque et le mari meurt, laissant à l'épouse le souvenir d'un amant aussi beau qu'éloquent. Elle se retirera dans un couvent, pour honorer la mémoire de celui qu'elle aimait.
Cyrano, toujours amoureux dans l'ombre, continuera à jouer l'ami attentionné, jusqu'au jour où mourant, il demandera à lire la dernière lettre de Christian. En entendant sa voix, Roxanne reconnaît l'homme qui lui avait parlé sous son balcon, tapis dans l'ombre. Elle réalise son erreur et déclare son amour à son cousin. Voyant que la mort est imminente, elle lui dit : «Je n'aimais qu'un seul être et je le perds deux fois !»
Il est dit que dans les grandes lignes, Rostand a respecté les faits au sujet du héros. Je ne tiens pas à faire le procès historique de la pièce, ni à faire la liste complète des événements réels, ou irréels. Je trouve seulement intéressant de constater que Cyrano de Bergerac était un personnage plus grand que nature et que c'est très justement qu'il s'est retrouvé le héros d'une pièce de théâtre, deux siècles après sa mort.
En cherchant bien, on peut trouver une multitude d'éléments erronés, comme le fait qu'il n'était pas Gascon, mais bien Parisien. Mais, il y a ces passages qui semblent au lecteur, sortis tout droit de la mythologie grecque avec ses demi-dieux. Un Hercule affrontant seul une armée? Et pourquoi pas.
L'ami qui a écrit l'insulte en chanson, Lignière, se retrouve à coucher dans la rue parce qu'il a reçu des menaces de mort :
CYRANOS'il est impossible de savoir le nombre réel de sbires qui attendaient Lignière à la Porte de Nesle, un autre ami de Cyrano, Henry Le Bret, fait mention de deux morts, sept blessés et d'une troupe d'assaillants dispersée.
Lignière ! ... Hé, qu'est-ce qui t'arrive?
[...]
BRISSAILLE [un voyou les accompagnant]
Il ne peut rentrer chez lui !
CYRANO
Pourquoi?
LIGNIÈRE, d'une voix pâteuse, lui montrant un billet tout chiffonné.
Ce billet m'avertit... cent hommes contre moi...
A cause de... chanson... grand danger me menace...
Porte de Nesle... Il faut, pour rentrer, que j'y passe...
Permets-moi donc d'aller coucher sous... sous ton toit !
CYRANO
Cent hommes, m'as-tu dit? Tu coucheras chez toi !
Mais encore ...
C'est pour cette raison que je m'intéresse tant à Cyrano de Bergerac : il est pour moi un excellent héros romantique. Je l'ai découvert à cause du film de 1990, mettant en vedette Gérard Depardieu (Cyrano), Vincent Perez (Christian) et Anne Brochet (Roxanne). Ce film est parfait. Le jeu est théâtral à souhait, la musique est excellente, la réécriture du texte pour le cinéma est très réussie, laissant de côté des vers qui ne nous manquent pas.
J'ai vu ce film une bonne centaine de fois. La cassette est plutôt usée. Je connaissais par coeur certains passages et je les utilisais pour épater mes collègues de travail. Mon préféré était dans le premier acte, après qu'un fâcheux ait fixé du regard, le nez de Cyrano :
- Vil camus, sot camard, tête plate, apprenez
Que je m'enorgueillis d'un pareil appendice,
Attendu qu'un grand nez est proprement l'indice
D'un homme affable, bon courtois, spirituel,
Libéral, courageux, tel que je suis, et tel
Qu'il vous est interdit à jamais de vous croire,
Déplorable maraud ! car la face sans gloire
Que va chercher ma main en haut de votre col,
Est aussi dénué [...] De fierté, d'envol,
De Lyrisme, de pittoresque, d'étincelle,
De somptuosité, de Nez enfin, que celle [...]
Que va chercher ma botte au bas de votre dos !
À force d'écouter le film, je me suis dit que de monter la pièce était une bonne idée. Pour couronner le tout, je prévoyais jouer le rôle principal... Heureusement, tout cela ne s'est pas concrétisé. J'avais 18 ans, aucune expérience de scène (je n'en ai pas encore deux décennies plus tard) et j'avais bien des projets (ça, j'en ai toujours beaucoup). Un de mes collègues voyait clair dans mon jeu et me l'a dit de façon fort civilisée : «t'impressionnes tout le monde avec ton Cyrano de Bergerac, mais t'sais, tu fais toujours la même scène.» Il était peut-être un peu saoul, mais il avait raison. Il m'a fait réaliser à quel point la pièce était longue, très longue et que je n'en connaissais que des bribes.
J'ai éventuellement orienté mon attention sur d'autres oeuvres. Je parle en fait seulement du Comte de Monte-Cristo. Mon autre héros romantique par excellence. Celui-ci fera d'ailleurs un excellent sujet de billet, puisque le mois d'août marquera le 175e anniversaire de la parution du premier chapitre en roman-feuilleton... Vous ne vous en sauverez pas.
Bibliographie
ROSTAND, Edmond, Cyrano de Bergerac, Préface de Patrick Besnier, Éditions Gallimard, Collection Folio Classique, 1995, 384 p.
Le Petit Robert des noms propres, sous la direction d'Alain Rey, Dictionnaires le Robert, 1997, p. 544.
... et un peu de Wikipédia, mais pas beaucoup, je vous assure.
ROSTAND, Edmond, Cyrano de Bergerac, Préface de Patrick Besnier, Éditions Gallimard, Collection Folio Classique, 1995, 384 p.
Le Petit Robert des noms propres, sous la direction d'Alain Rey, Dictionnaires le Robert, 1997, p. 544.
... et un peu de Wikipédia, mais pas beaucoup, je vous assure.