Ukraine et SEO

En 2013 Annie et moi sommes allés en Pologne. C’était un voyage extraordinaire, pour lequel nous avons eu la chance d’être accompagné par mon père. Je sais que je le dis souvent, mais je vous raconterai. Cette année-là, mon premier choix était l’Ukraine, mais Annie tenait beaucoup à la Pologne parce que sa petite sœur lui en avait parlée en bien. Je me suis dit que ce n’était que partie remise et que l’Ukraine serait toujours là l’année suivante. Dans tous mes projets de voyage, rarement je me suis autant trompé. En février 2014 ont éclaté des manifestations pro-européennes à Kiev, en réaction aux politiques jugées trop russes du président Viktor Yanukovych. Les troubles se sont transformés en guerre civile, qui dure encore aujourd’hui.

Les armoiries de l'Ukraine
Source : Wikimedia Commons
(Image stylisée avec Gimp)

L’Ukraine est maintenant divisée et diminuée. La communauté internationale ne reconnaît pas les nouvelles frontières, mais sur le terrain cela ne change strictement rien. J’ai dû me résigner à remettre ce voyage aux calendes grecques. Je n’ai pas l’intention de faire le résumé de cette guerre fratricide. Les journaux l’ont très bien fait. Après des années, l’intérêt du public pour la situation a diminué graduellement, mais comme 2019 marquait le cinquième anniversaire des événements et qu'il y a eu une rencontre entre les présidents concernés en décembre, nous avons eu droit à un petit retour sur les faits. À ce sujet je vous conseille de lire l’excellent article de Tamara Alteresco, Donbass, la vie sur la ligne de front. Une autre raison qui me retient de résumer la situation, c’est qu’elle est si complexe, que je passerais des heures à confronter mes sources. Par exemple, vous pouvez lire cet article du Time, Why Chechens Are Fighting Chechens in Ukraine's Civil War, qui soulève une facette moins connue, mais combien représentative de tout ce qui se passe. Pour un bon résumé de la crise, je vous recommande d’écouter l’excellent vidéo du journal Le Monde, dans la série Mappemonde, Que veut la Russie de [machin]? Alors, si je laisse d’autres personnes faire l’analyse des événements et que je ne suis jamais allé, pourquoi est-ce que je publie un billet sur ce pays? Voici mes trois raisons :

La première est parce que je suis fasciné par les cultures slaves et par l’alphabet cyrillique. Cela fait partie de mes passions qui ne s’expliquent pas comme la philatélie, les films de la chaîne Hallmark, les bretzels, Pinterest, ou la moto. Longtemps nous avons parlé d’inclure le Transsibérien dans notre itinéraire de 2018, mais nous apprécions trop le statut du passeport canadien à d’autres frontières, pour nous plier aux impératifs administratifs russes. C’est pourquoi l’Ukraine, jusqu’en 2014, était une excellente option : pas de visa, une histoire extraordinaire, des sites grandioses, une géographie accessible.

Ce qui m’amène à ma deuxième raison : quel aurait été mon itinéraire de rêve? Tout aurait commencé à Kiev. J’aime le nom de cette ville et juste pour ça, j’aurais voulu y passer des semaines. Je suis ambivalent à savoir si Tchernobyl se serait trouvé dans ma liste. Ce n’est pas très loin de la capitale et c’est sans doute intéressant, mais j’ai des préjugés négatifs qui me donnent l’impression que c’est dangereux et surfait. La suite de notre séjour aurait été loin à l’ouest, vers Lviv. Cette ville près de la Pologne a plusieurs fois changé d’allégeance, au gré des déplacements de la frontières et selon les rapports de force régionaux. Ce genre d’événements donne généralement un cachet architectural et culturel particulier. Pour la suite du voyage nous aurions plongé plein sud, vers la mer Noire pour voir Odessa. L’importance de cette ville dans les révolutions russes est majeure et c’est là que l’épisode du cuirassé Potemkin s’est produit. Finalement, c’eût-été la Crimée avec Sebastopol. J’aurais pu écrire une série de billets géniale à propos de ce voyage.

Ce qui m’amène à la troisième raison, qui est en lien avec mon blogue Route 138. Depuis notre retour du Népal au début du mois de décembre 2018, je m‘efforce de publier au moins un billet par mois, parfois plus, jamais moins. Tous mes textes sont publics, mais je ne fais la promotion que de ceux susceptibles d'intéresser plus de gens. Pour les autres que je rédige dans le but de consigner mes souvenirs, ou pour le simple exercice d'écriture, il faut volontairement se rendre à mon adresse pour les trouver.

Ce modus operandi ne génère pas beaucoup de trafic et certaines publications n’ont que quelques clics – lire deux. Je regarde à tous les jours si des gens m’ont visité et c’est là que ça devient intéressant : l’essentiel des visites spontanées vient d’Ukraine. Ce n’est pas grand-chose, quelques unes par jour et toujours en multiples de quatre. La première fois en regardant la source de ces clics je suis resté surpris. Aujourd’hui, je suis déçu quotidiennement. Voilà pourquoi : ce sont des sites porno qui font du SEO (Search Engine Optimization), afin d’améliorer leur situation dans les résultats des moteurs de recherche. Je ne comprends pas encore parfaitement le processus, mais ce que je sais c’est que ce sont des robots (ou applications), programmés pour consulter à grande vitesse (pas comme un baby-boomer), des pages en quantité (la mienne entre autres), en en référençant une autre (la leur). C’est ainsi que je peux connaître l’origine géographique de ces clics.

En gros, c’est nul. Ce n’est pas mon rayonnement international qui est la source de ma popularité. Si au moins tout cela favorisait mon trafic réel, mais ce n'est pas le cas. J’aurai au moins compris pourquoi l’Ukraine s’intéresse autant à ma Route 138.



Anecdotes en vrac sur l’Ukraine :
Lorsque j’étais à Prague en 2015, l’Ukraine était encore très présente dans l'actualité. Sur la place de la Vieille-Ville, ou Staroměstské náměstí, il y avait un kiosque où nous pouvions signer une pétition qui demandait grosso modo à la Russie, de se retirer d’Ukraine. Comme je prévoyais aller en Russie avec Annie en 2018 et que j’ai beaucoup d’imagination sur ce que peux faire une pétition entre les mains de gens mal intentionnés, je n’ai pas signé.

J’étais au travail un soir lorsque j’ai surpris une conversation entre deux clients de 35 ou 40 ans. L’un disait à l’autre qu’il était sur le point de se trouver une conjointe par Internet. Il a dit : «Les filles de Sept-Îles veulent pas déménager à Port-Cartier, même si y’ont rien là-bas. Elles [les filles d’Internet], sont prêtes à venir d’Ukraine.»

Commentaires