Photo de Connie F. Stone, calligraphie de Placide Vigneau, tirée de Statistiques 1900. |
Dans tous mes travaux et écrits sur Kegaska, j’ai toujours privilégié la graphie sans accent et sans fioriture, comme Placide Vigneau. Ajouter un «h» quelque part? Pourquoi? La Commission de Toponymie du Québec confirme mon choix. Sur le site de cet organisme provincial, on mentionne d’autres formes : Kégasca, Kegaskat, Kigaska, Kaska, Kégachka, Tchekaska et Kégashka. C’est le genre de nom qui est facile à déformer.
J’ai été témoin de ma part de massacre dans mes lectures sur ce village. Un de mes exemples favoris vient du huitième volume des rapports sur les missions du Diocèse de Québec, publié en 1849 – oui, je parle encore des missions. Les rapports précédents ne couvraient pas le Labrador canadien. Voilà pourquoi c’est dans ce numéro que l’abbé Félix Desruisseaux mentionne pour la première fois Kegaska. Le prêtre n’a que 29 ans en juin 1848, lorsqu’il s’embarque pour la Romaine. C’est là que doit commencer son ministère. En route il restera pris quelques jours à Kegaska, faute de vent, avec l’équipage de pêcheurs qui lui a offert le transport.
Il parlera peu de son séjour obligé, sinon pour dire que «[ce] hâvre est un des plus beaux de la côte du nord.» Il ne mentionne aucune occupation humaine et il appel le lieu Petit Cassa-Boisé. Je n’avais jamais vu cette appellation, mais en tenant compte des distances données – «douze milles à l'ouest de Mascouaro, et à trente-six de la Romaine» – on ne se trompe pas. En 1685, le cartographe Jean-Baptiste-Louis Franquelin mentionnait l’endroit sous le nom de Quegasca et dès 1702 on retrouve dans des documents officiels la forme actuelle de Kegaska.
D’où peut venir cet étrange forme du nom? Desruisseaux prend le temps de nous dire que le capitaine l’ayant pris à son bord, était protestant. Les protestants voguant en ces eaux et en ces temps, venaient généralement de Terre-Neuve ou des États-Unis. Nous pouvons en conclure que l’officier et son équipage étaient anglophones et que lorsqu’un des membres a nommé l’endroit, le missionnaire a mal saisi la prononciation. Nous pouvons aussi considérer l’origine innue du nom, que Placide Vigneau mentionne dans son manuscrit Statistiques 1900 : «Kegaska est un mot de langue montagnaise qui signifie petit passage, passage étroit et leurs équivalents.»
Petit passage et Petit Cassa-Boisé, existe-t-il un lien entre les deux? C’est très probable, bien que difficile à confirmer. C’est ce qui est bon et mauvais à la fois, lorsqu’on choisi d’écrire sur un village ayant été si peu étudié : tout est possible, mais tout est discutable.
Bibliographie
Collectif. Rapport sur les missions du Diocèse de Québec et autres missions qui en ont ci-devant fait partie, vol. 8, Québec, Presses A. Côté et Cie, avril 1849, 108 p. Disponible en ligne : http://books.google.ca/books?id=lFlNAAAAYAAJ&source=gbs_navlinks_s, consulté le 7 octobre 2012.
TANGUAY, C. Abbé. Répertoire général du clergé canadien par ordre chronologique, depuis la fondation de la colonie jusqu'à nos jours, Québec, C. Darveau Imprimeur-Éditeur, 1878, p. 216.
Disponible en ligne :
Kegaska sur le site de la Commission de Toponymie du Québec :
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