J’ai écrit un texte de 14 pages sur le Comte de Monte-Cristo, que j’ai présenté à Stéphane, le Français. Il est si courageux, qu’il a tout lu. Il m’a fait les quelques bons commentaires qu’il était possible de faire et il a fait les suggestions qui s’imposaient.
Je citerai ici ses sages paroles : «ce n’est pas inintéressant, mais pour l’instant je trouve ça indigeste». Je suis retourné au travail et le résultat se présente aujourd’hui sous la forme de cinq billets, refonte des 14 pages, dans lesquels je décrirai divers aspects de mon expérience du roman. Je mettrai en ligne une nouvelle partie à tous les vendredis du mois d’août. À la fin des textes, j’ajouterai le résumé du récit, que j’avais fait si long que j’ai dû le scinder, lui aussi.
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Première de cinq parties
Pourquoi traiter du Comte de Monte-Cristo? N’y a-t-il pas déjà assez de sites, d’articles et de films qui lui sont dédiés? Je dirais qu’il y a deux excellentes raisons. La première est parce qu’après l’avoir lu une douzaine de fois, je me sens l’envie de partager ma passion pour ce récit. La deuxième est que le 28 août 2019, sera le 175e anniversaire de la parution de la première partie du roman-feuilleton, dans le Journal des Débats. Il faudra plus d’un an pour faire paraître l’ensemble de l’histoire dans les pages du journal. La fin sera publiée le 15 janvier 1846.
Ce n’est pas un roman parfait. Cité par Catherine Eugène dans sa préface de l’édition Pocket de 1997, Umberto Eco dira que «Le Comte de Monte-Cristo est un grand roman mal écrit». Il y a de nombreuses erreurs de continuité comme des personnages qui changent de nom, ou des éléments qui ne fonctionnent pas chronologiquement. Il y a même des erreurs sur la personne (quelqu’un est nommé, alors qu’il est clairement question d’un autre), que les nombreuses éditions répètent puisque le texte original a été publié de cette façon. Il y a aussi le fait qu’au delà du récit, il n’existe aucune profondeur philosophique.
Le héros se croit investi d’une mission divine et cela ne prête guerre au questionnement, ou à l’interprétation. La blogueuse de Mon odyssée littéraire fait remarquer qu’il y a des références à de grands penseurs comme Rousseau, mais il ne s’agit pas d’une remise en question de sa théorie de la pensée politique moderne. C’est plutôt une allusion humoristique à son approche de l’éducation, dans l’Émile. Au mieux, cela met en valeur la culture littéraire de Dumas et confirme Le Comte de Monte-Cristo pour ce qu’il est, un roman d’aventure sur le thème de la vengeance, point.
C’est le livre que j’aime le plus à relire. Pas de prétention, seulement un récit des plus linéaires, allant du point A, au point B, en passant par quelques flashbacks. Ma première lecture était en 1998. J’étais à la librairie Garneau à Sherbrooke et je suis tombé sur une édition de poche en trois volumes. J’ai acheté le premier seulement. J’allais regretter cette décision puisque très rapidement, je passai à travers ce premier livre, rendant l’attente du deuxième insupportable. Il n’était évidemment plus en tablette lorsque je suis retourné au magasin et j’ai dû passer une commande spéciale.
Je me sentais à l’agonie, comme lorsqu’une saison de [remplacez par votre série préférée] se termine et qu'il faut attendre un an pour connaître la suite. À ce moment, j’achevais mon cours de cuisine d’établissement et la période de stage était sur le point de commencer. Mon avenir professionnel me faisait peur, parce que les fourneaux ne m’emballaient pas autant que j’avais prévu. J’avais besoin de penser à autre chose, de m’enfuir dans un autre monde. Je venais de passer une longue période à fantasmer sur l’univers de Dune et j’avais du mal à m’en sortir. C’est ce Comte, que je connaissais à peine, qui allait me sortir du futur pour me plonger dans la France du 19e siècle. Le peu que j’en savais avant la lecture me venait du beau-père d’un ami, qui me l’avait vanté comme le meilleur roman du monde. Il était à la recherche depuis des lustres de l’édition en six volumes qu’il avait lue étant jeune. Ce type parlait avec beaucoup de passion de tout et de rien : de sa machine pour faire de l’eau gazeuse, de son projecteur pour écouter des films, de son parcours de vie houleux, ou de son moteur V8 dont deux cylindres ne fonctionnaient plus.
L’affaire est que lorsqu’il a parlé du Comte de Monte-Cristo, il était encore plus enflammé qu’à son habitude. Il ne nous a divulgué aucun élément de l’intrigue, ne nous a pas même fait un résumé, mais je me suis laissé influencer par cet homme. Puis, la célébrité du roman aidait. Par exemple, j’en avais entendu parler dans le film Shawshank Redemption. Dans une scène, les prisonniers trient des livres pour la bibliothèque et ils tombent sur un exemplaire du Comte. L’un d’eux suggère de le placer dans la section éducative, étant donné qu’il y est question d’une évasion de prison.
Vous connaissez déjà l'histoire, sautez le résumé et passez directement à la partie 2 :
https://route138.blogspot.com/2019/08/175-ans-de-monte-cristo-partie-2.html
Vous connaissez déjà l'histoire, sautez le résumé et passez directement à la partie 2 :
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Le Comte en (presque) bref – Première partie
La mise en place
L’évasion a lieu au chapitre 20, sur 117, ce qui fait qu’on passe beaucoup plus de temps à se souvenir de l’événement, qu’à le préparer. Le reste est l’échafaudage d’un très complexe plan de vengeance, contre les gens qui ont contribué à l’injuste emprisonnement du jeune héros, connu à ce moment sous le nom d’Edmond Dantès. Les principaux artisans de son infortune sont trois. Il y a Fernand Mondego, pêcheur devenu général, jaloux parce qu’Edmond devait se marier avec la belle Catalane, Mercedès Herrera. Il y a Danglars, comptable devenu baron et banquier, envieux de l’ascension professionnelle du héros. Il y a finalement Gérard de Villefort, magistrat, fervent royaliste en cette année de restauration de 1814, dont la carrière est menacée par une lettre que le jeune marin a reçu sans en connaître le contenu et destinée à son père bonapartiste, Noirtier de Villefort.
À cause de ses trois hommes que rien ne rassemble sinon leur haine et leur ambition, Edmond Dantès passera 14 années enfermé au Château d’If, une espèce d’Alcatraz situé en face de Marseille. Il se fera appeler Numéro 34. Il ne sera jamais jugé et jusqu’à ce qu’il rencontre l’Abbé Faria, son voisin de cellule, il ne comprendra même pas les raisons de son emprisonnement.
Le vieil abbé, érudit, est un prisonnier politique et c’est en creusant un tunnel qu’il tombe sur le cachot d’Edmond. Le jeune homme, marin brillant mais peu cultivé, fera ses classes avec Faria. Il apprendra les langues, l’histoire, les sciences et comprendra comment il a été trahi, grâce à l’incroyable perspicacité de l’abbé. Pendant les quelques années qu’ils passeront secrètement ensemble, en cachant l’accès entre les cellules, ils continueront à planifier l’évasion parfaite. Ce plan ne sera jamais mis à profit, étant donné que le vieil homme mourra d’une attaque d’apoplexie. Edmond prendra la place du cadavre dans le sac mortuaire, pour être jeté à la mer.
Peu avant sa mort, le vieil abbé avait révélé l’emplacement d’un trésor à Dantès. Ce dernier avait du mal à y croire, puisque cette fortune était pour plusieurs, la preuve que Faria était fou. Depuis la première année de son incarcération et ce jusqu’à la fin, il promettait à qui voulait le libérer, une forte récompense prise sur ce trésor caché. Edmond, conservant un grand respect pour le défunt, se lança à la recherche du magot qui se trouvaient tel que promis, dans une grotte de l’île de Monte-Cristo, située entre la Toscane et la Corse.
Avec son nouveau compte en banque bien garni, Dantès commencera par rendre visite à une ancienne connaissance, déguisé en abbé italien. Il fera croire qu’il rempli les dernières volontés d’une pauvre âme, morte au bagne sans connaître les raisons de son emprisonnement, afin de mettre en confiance son interlocuteur, Gaspard Caderousse.
Ancien tailleur devenu aubergiste, il était le voisin de palier d’Edmond et de son père, aux allées de Meilhan à Marseille. Soupçonné par le héros d’avoir participé au complot contre lui, il parlera en échange d’un gros diamant. Caderousse commencera par se défendre d’avoir été une cause du malheur du héros. Il s’en tirera avec le statut de coupable par négligence. Edmond recueillera de l’information au sujet des traîtres, mais aussi des amis. C’est ainsi que la première action ne sera pas la vengeance, mais plutôt la récompense.
En 1814, son patron était l’armateur marseillais Pierre Morrel. Ce dernier possédait des affaires florissantes et lorsqu’Edmond fut emprisonné, il tenta en vain d’intervenir pour faire libérer le jeune marin. De plus, il prit soin du vieux père Dantès, acquitta ses quelques dettes et paya les funérailles du vieil homme, après qu’il se soit laissé mourir de faim et de chagrin :
– […] Eh ! mon Dieu ! oui : un an à peine après la disparition de son fils,
il mourut, le pauvre vieillard !
– Mais, de quoi mourut-il ?
– Les médecins ont nommé sa maladie... une gastroentérite, je crois ;
ceux qui le connaissaient ont dit qu’il était mort de douleur... et moi, qui
l’ai presque vu mourir, je dis qu’il est mort... »
Caderousse s’arrêta.
« Mort de quoi ? reprit avec anxiété le prêtre.
– Eh bien, mort de faim !
– De faim ? s’écria l’abbé bondissant sur son escabeau, de faim ! les
plus vils animaux ne meurent pas de faim ! les chiens qui errent dans les
rues trouvent une main compatissante qui leur jette un morceau de pain ;
et un homme, un chrétien, est mort de faim au milieu d’autres hommes
qui se disent chrétiens comme lui ! Impossible ! oh ! c’est impossible !
Extrait du chapitre 26 – L’auberge du Pont du Gard
Des années plus tard, Morrel est abandonné par ses partenaires d’affaire et par la chance. Il ne lui reste plus que le Pharaon, sur lequel Edmond a servi avant le Château d’If et le bâtiment se perd en passant le Cap de Bonne Espérance. L’armateur est au bord de la banqueroute. Sous les traits d’un anglais et se faisant passer pour le mandataire d’une importante banque romaine, Dantès rachète les dettes de son ancien patron et fait construire une réplique du bateau coulé.
Suite à cet élan de générosité, le héros disparaît pour une dizaine d’années afin de tisser sa toile. Il recueillera d’autres informations sur ses ennemis. Il enrichira ses connaissances sur le monde et les sciences. Il étendra son réseau d’amis et d’informateurs partout dans le bassin méditerranéen. Il achètera l’île de Monte-Cristo et un titre de noblesse à la Toscane, avant de se rendre à Paris sous les traits du Comte, immensément riche et à la mode.
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