175 ans de Monte-Cristo – Partie 2 – L'auteur(s)


Ce billet sur Alexandre Dumas fait partie de ma série sur le Comte de Monte-Cristo, que j’écris pour souligner le 175e anniversaire de la parution de la première partie du roman-feuilleton, dans le Journal des Débats. Je serai honnête en écrivant que c’est la section qui m’a donné le plus de mal. Je n’avais pas envie d’en parler, mais je pouvais difficilement faire autrement.

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Deuxième de cinq parties

Vous aurez compris que je n’aime pas Alexandre Dumas. J’aime ses romans, mais le type m’est antipathique. Chaque fois que je lis à son sujet, cela me donne l’impression qu’il était un égoïste notoire, enchaînant les maîtresses et exposant sa fortune par un mode de vie excessif. Ce n’était pas un Victor Hugo, qui pouvait discuter en alexandrins de son exil politique en Angleterre. La seule chose extraordinaire à laquelle je pense, est son côté aventurier qui a culminé lorsqu’il a accompagné Garibaldi dans son expédition sicilienne.

Pour le reste, j’irai avec les banalités d’usage. Il est né sous Napoléon d’un couple multiculturel composé d’un officier haïtien et d’une Française. Son père est mort lorsqu’il n’avait que trois ans. Dumas a réussit dans les conditions historiques bien particulières qui suivirent la Révolution française. C’était le début d’une certaine tolérance, qui malgré sa part de sang noir, lui a permis de s’élever dans la société et de faire fortune dans la première moitié du 19e siècle. Prolifique auteur romantique (dans le sens du courant littéraire et non dans le sens Love Actually), il a été connu d’abord par ses pièces de théâtre, ensuite par ses romans et ses romans-feuilletons.

Plusieurs diront qu’il était un imposteur, puisqu’il utilisait les services d’un nègre littéraire, sorte d’employé écrivant pour, ou avec un auteur plus connu. Aujourd’hui la tendance est de reconnaître ces écrivains fantômes (expression politiquement correcte et traduction libre de ghost writers). Je vais une fois de plus revenir à l’univers de Dune et de l’auteur Frank Herbert, mort avant d’avoir bouclé la boucle de sa saga. Son fils Brian reprendra le flambeau et fera appel à Kevin J. Anderson, auteur de novélisations et de fan fiction, pour co-signer une panoplie d’histoires précurseures, parallèles, ainsi que l’agonisante conclusion à La Maison des Mères (Chapterhouse : Dune).

Je doute que Dumas, jaloux de son succès, eussent mentionné un Anderson. De toute façon et je n’ai pas le choix de l’admettre, s’il devait son génie à son employé, nous connaîtrions mieux aujourd’hui Auguste Maquet. La carrière extra-dumasienne de ce fantôme n’est définitivement pas une preuve de son talent. Admettons tout de suite qu’il a aidé à mettre au propre les idées de Dumas, qu’il les a peut-être bonifiées, mais là s’arrête l’étendue de sa contribution. Enfin, n’oublions pas que c’était le 19e siècle et que bon nombre de normes ont changé depuis. Qu’elles soient professionnelles, politiques ou sociales, beaucoup nous apparaissent aujourd’hui inconcevables, ou banales.

Vous connaissez déjà l'histoire, sautez le résumé et passez directement à la partie 3 :

https://route138.blogspot.com/2019/08/175-ans-de-monte-cristo-partie-3-le.html

Le Comte en (presque) bref – Deuxième partie

L’approche
Sur le plan social, il existe un excellent exemple dans le livre et c’est lorsque Monte-Cristo arrive à Paris. À cette époque il ne suffit pas de se pointer sur les Champs-Élysées pour être accepté dans la haute société, la norme impose d’être introduit. Pour se faire, le Comte se lie avec le jeune Albert de Morcerf, Vicomte, lors d’un voyage à Rome. Cette rencontre, qui ne repose nullement sur le hasard, est le début du très élaboré plan de vengeance. Le jeune Albert, facilement leurré par les richesses et les bonnes manières de Monte-Cristo, est le fils de Fernand Mondego, devenu Comte de Morcerf et de la belle Catalane, Mercédès.


Monte-Cristo fait son entrée dans le grand monde parisien, dans le pavillon privé du fils de l’un de ses pires ennemis. Pour l’occasion, Albert de Morcerf invite ses plus illustres connaissances et l’un d’eux viendra en compagnie d’une personne inattendue, qui deviendra l’un des seuls véritables amis du héros, Maximilien Morrel. Il est le fils de l’armateur et il a choisi la carrière militaire. Il est venu vivre à Paris en compagnie de sa sœur et de son beau-frère, après que le couple ait fermé l’entreprise familiale.

Leur maison est sise sur la rue Meslay. Monte-Cristo s’y rendra à plusieurs reprises, lorsque noyé dans trop de haine, il cherchera un peu de paix. Il tentera toujours de faciliter la vie des Morrel, même s’il aura de la difficulté à accepter que Maximilien soit secrètement amoureux de Valentine de Villefort, fille d’un premier mariage de Gérard de Villefort, son ennemi.


Afin de se rapprocher de Villefort, le Comte de Monte-Cristo n’utilisera pas Maximilien. Il a trop de respect pour l’amitié puis, il n’apprendra que bien plus tard les sentiments de son ami. Il usera plutôt de son esclave nubien, Ali, qui sauvera la seconde femme et le fils du Procureur du Roi – il y a longtemps qu’il n’est plus un simple substitut de province – d’un attelage dont le cocher a perdu le contrôle. Tout est calculé pour que l’événement se termine devant sa résidence de campagne, à Auteuil.

Reconnaissant, Villefort rend visite au Comte et ensemble, ils parlent de la justice humaine et des châtiments divins. C’est ainsi que le magistrat entre dans l’engrenage qui doit à long terme, le broyer. En ce qui concerne Danglars, il était le plus simple des ennemis à approcher, puisqu’en tant que banquier, il doit fournir à Monte-Cristo les fonds dont il aura besoin pour son séjour à Paris et ils ont du mal à s’entendre sur la notion de crédit illimité :

« Enfin, monsieur, dit Danglars après un moment de silence, je vais
essayer de me faire comprendre en vous priant de fixer vous-même la
somme que vous comptez toucher chez moi.
– Mais, monsieur, reprit Monte-Cristo décidé à ne pas perdre un pouce
de terrain dans la discussion, si j’ai demandé un crédit illimité sur vous,
c’est que je ne savais justement pas de quelles sommes j’aurais besoin. »
Le banquier crut que le moment était venu enfin de prendre le dessus ;
il se renversa dans son fauteuil, et avec un lourd et orgueilleux sourire :
« Oh ! monsieur, dit-il, ne craignez pas de désirer ; vous pourrez vous
convaincre alors que le chiffre de la maison Danglars, tout limité qu’il
est, peut satisfaire les plus larges exigences, et dussiez-vous demander
un million...
– Plaît-il ? fit Monte-Cristo.
– Je dis un million, répéta Danglars avec l’aplomb de la sottise.
– Et que ferais-je d’un million ? dit le comte. Bon Dieu ! monsieur, s’il
ne m’eût fallu qu’un million, je ne me serais pas fait ouvrir un crédit
pour une pareille misère. Un million ? mais j’ai toujours un million dans
mon portefeuille ou dans mon nécessaire de voyage. »
Extrait du chapitre 46 – Le crédit illimité

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