Il s’en est fallut de peu pour qu’aujourd’hui, 13 septembre 2019, deuxième vendredi du mois, je prenne une pause de publication sur mon blogue. J’ai quand même mis en ligne cinq billets sur le Comte de Monte-Cristo en août. De plus, je vis une petite déprime, étant donné que ma KLR est chez le vétérinaire à moto. Pour ces raisons, j'ai failli me croire digne d’un petit congé d’écriture puis, j’ai pensé à mon ami Neph Frank qui est un exemple de discipline d’écriture et je me suis forcé à trouver quelque chose à dire.
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Je vis sur la Haute-Côte-Nord. Cette sous-région s’étend de Tadoussac à Sept-Îles. Ensuite c’est la Moyenne-Côte-Nord jusqu’à Natashquan. Finalement, jusqu’à Blanc-Sablon, c’est la Basse-Côte-Nord. Quand je me suis inscrit à la maîtrise en 2010, c’est cette dernière partie de la Côte qui me fascinait et qui m’inspirait – c’est encore le cas aujourd’hui. Des treize villages qui s’y trouvent, j’ai fini par me concentrer exclusivement sur Kegaska, pour deux principales raisons : une situation géographique avantageuse et une histoire alternant occupation autochtone, francophone et anglophone.
J’ai l’intention de parler plus en détail de Kegaska l’an prochain, lorsque je fêterai le dixième anniversaire de mon inscription – prise deux – à la maîtrise en histoire. Pour l’heure, je désire simplement parler d’une photo, trouvée en fouillant dans les archives visuelles de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, BAnQ pour les paresseux. Je cherchais des sources photographiques parce que j’aimais travailler avec ce type de document et parce que j’y voyais une bonne façon de choisir le village que j’allais étudier, en fonction de l’abondance de documentation disponible.
J’ai trouvé bien des trucs intéressants, mais c’est la photo suivante qui est restée une de mes préférées, même si elle a été prise à Blanc-Sablon, à plus de 300 kilomètres de Kegaska.
Cette photo m’a fortement marqué parce qu’en la trouvant, j’étais favorablement disposé à tout ce qui concernait la Basse-Côte-Nord. Je passais des heures à tous les jours à chercher de la documentation, exacerbant ma fixation sur cette région. J’étais de plus en plus convaincu dans mon imaginaire, que ce coin reculé du Québec n’était pas soumis aux mêmes impératifs que le reste du territoire. Encore aujourd’hui je crois fermement que le temps et l’espace ne s’y mesurent pas de la même façon et que sa géographie bien particulière a forgé la culture des Coasters, minorité anglo-québécoise, majoritaire dans cette sous-région.
Tout cette culture en développement, je la voyais dans ce visage sympathique où se lit aussi la plénitude, la satisfaction et en quelque sorte, le bonheur. Bon, cet homme a une façon bien à lui d’apprécier la faune qui ne passerait pas le test du 21e siècle, mais malgré cela, je n’arrive pas à me détacher les yeux de cette photo. Ce type est cool et son charisme transparaît dans l’image, voilà tout.
Ce que je sais sur lui est assez léger. Il s’appellait John Vautier Legresley. Il était originaire de l’île anglo-normande de Jersey. Il est arrivé à Blanc-Sablon en 1886 et est devenu maître de poste. Il a épousé Rosalie Beaudoin, fille du premier Beaudoin à s’être installé dans ce village. Legresley mourra le 28 mars 1933, à l’âge de 80 ans. Il est enterré au cimetière de Lourdes-de-Blanc-Sablon, la partie francophone de Blanc-Sablon.
Les quelques sources utilisées pour obtenir ces informations ont soulevé plus de questions que de réponses. En premier lieu, tout porte à croire que le couple Legresley-Beaudoin a perdu deux enfants en bas âge. Dans le cimetière où est enterré John V. Legresley on retrouve une Cecile Pheodola Legresley décédée à l’âge de deux ans et un Joseph M. J. Legresley décédé à l’âge de quatre ans. Les deux enfants sont morts à deux mois d’intervalle en 1892. Il ne semble pas y avoir eu d’épidémie cet été-là, puisque dans le cimetière, ils sont les deux seuls décès de cette année. Il y a une autre Legresley, Bernadette, née en 1893 et décédée en 1969. Était-ce la seule fille survivante de John V. et Rosalie? Est-ce que d’autres de leurs enfants sont allés s’installer ailleurs? Une autre chose qui a piqué ma curiosité est de connaître les raisons ayant poussé un Jerseyais à quitter son île de la Manche, pour venir s’installer aussi loin. Y avait-il un contexte socio-économique particulier dans les années 1880, poussant les insulaires à émigrer? Une chose est certaine, en consultant le site The Island Wiki on constate que Legresley n’était pas un cas isolé.
À suivre.
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Sources
Photographie de John V. Legresley, http://pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/description_fonds?p_anqsid=20190911184056414583&p_centre=09N&p_classe=P&p_fonds=12&p_numunide=800987, consultée le 11 septembre 2019.
The Island Wiki, Jersey Immigrants to Canada, https://www.theislandwiki.org/index.php/Jersey_emigrants_to_Canada_L, consultée le 11 septembre 2019.
Cemetery Records Online, Old Lourdes-de-Blanc-Sablon Cemetery, Lourdes-de-Blanc-Sablon, Duplessis, Quebec, http://www.interment.net/data/canada/qc/duplessis/old_cath/index.htm, consultée le 11 septembre 2019.
Commission de toponymie du Québec, Rue Legresley, http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/Fiche.aspx?no_seq=293691, consultée le 12 septembre 2019.
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