Buch Schlussseite Photo par Seb Eckert |
Avant de me lancer dans l’écriture de ce billet, je me suis demandé si le titre avait déjà été utilisé, ou si le sujet avait été traité à outrance. J’ai ouvert mon navigateur favori – non, ce n’est pas Chrome – et dans mon moteur de recherche préféré – non, ce n’est pas Google – j’ai tapé «importance de la fin». J’aurais dû m’attendre à ce que j’ai trouvé, mais je ne suis pas très bon en spéculation. M’est apparue une liste de liens essentiellement religieux, pointant vers des analyses de la Bible, ou des textes prouvant que l’apocalypse arrive.
Un article sur la religion, qui implique d’avoir au préalable un quotient foi, m’intéresse peu. Je me suis dit que je pouvais préciser ma recherche en y ajoutant les mots «cinéma», ou «série» et je me suis réjoui de voir que le sujet dont je veux parler n’apparaît pas dans les premiers résultats. Ce qui me ramène 25 ans en arrière. C’était à l’époque où les clubs vidéo prospéraient et où j’étais souvent avec mon ami Alex. Nous adorions passer trois heures dans un de ces établissements, pour choisir un film de 90 minutes.
Un soir, motivés par la bande-annonce qui révélait toutes les blagues, nous avons choisi Major Payne, mettant en vedette Damon Wayans. Ce n’est pas une comédie de Mel Brooks, mais nous avons rigolé aux bons moments et nous allions terminer avec une opinion favorable. Sauf que la fin était moche et elle a changé du tout au tout l’idée que je m’étais bâti pendant 85 minutes. Je ne suis même pas capable de me souvenir pourquoi, ce n’était probablement pas mieux, ou pire que bien d’autres films sur le marché, mais j’ai tellement réagi négativement qu’Alex a dit : «j’ai jamais vu quelqu’un pour qui la fin a autant d’importance».
Ce constat m’a marqué et en tant que jeune adulte en pleine crise de personnalité, j’ai vu là un facteur de différenciation. Quelle joie, je n’étais pas comme tout le monde puisque la fin avait plus d’importance pour moi. C’est beau la recherche de soi : «Prière de ne pas oublier que je suis différent.» C’est une citation du film Le Prénom.
Ce film, je l’ai écouté avec le Français Stéphane en Colombie. Nous étions bien encastrés dans des hamacs à Popayan et sur mon minuscule iPod, nous regardions les acteurs s’engueuler. Plus récemment, dans une conversation de messagerie instantanée avec ce même Français, il m’a parlé d’une série qu’il venait juste de commencer.
Stéphane : […] je regarde une série sur mes ancêtres vikings. The Last Kingdom. Ne me demande pas ce que j'en pense. J’ai commencé il y a 5 minutes.
Moi : Pas de problème. Je ne sais plus trop quoi penser des séries. J'aime tellement écouter des films : Intro, développement, conclusion à chaque fois (ou presque). Si c'est mauvais ce ne l'est que pendant deux heures et tu n'entends pas le sempiternelle «tu vas voir, après le 6e épisode, c'est super bon».
Un Français dans les hamacs de Popayan. |
Réglons tout de suite le sujet de ses ancêtres vikings : il est né en Normandie et affirme être descendant de ces aventuriers du Moyen-Âge. Maintenant, c’est suite à ce petit bout de conversation que je me suis remémoré cette vieille histoire de 1995 et j’ai aussi repensé à mon séjour en Nouvelle-Zélande. Annie et moi visitions une section publique des studios Weta et notre guide, sachant qu’il avait en face de lui de vrais «geeks», a demandé quel était notre Star Wars original préféré. J’étais, avec lui, le seul ayant préféré Return of the Jedi. Transposons la question aux épisodes un à trois, ou sept à neuf, la réponse est la même, je préfère aussi les derniers. Pourquoi? Parce qu’il y a un dénouement et une situation finale.
La fin n’est pas à la mode. On la repousse ad vitam aeternam, en la remplaçant par un suspense éternel et un sentiment de continuité, qui sont en fait des incitatifs à la consommation. Entrée en scène du modèle de la série. J’en ai écouté plusieurs. On ne s’en sort pas, avec la quantité disponible il est presque impossible de ne pas en trouver une qui attire notre attention. Tout le monde y va de sa critique sur l’importance vitale de voir l’une, ou l’autre de ces interminables histoires. Mon fil d’actualité Facebook est inondé de commentaires de gens emballés par une nouveauté, disponible sur une quelconque plateforme de diffusion en ligne.
Je crois que tous ces amateurs, jubilant sur l’un de ces «incontournables» titres, ont raison d’aimer ce qu’ils, ou elles ont vu. Avec les budgets colossaux, la qualité visuelle impeccable, l’attrait d’une bonne distribution et le marketing envahissant qui précède chaque sortie, il ne peut en être autrement. La popularité de ce produit culturel est bien ancrée, mais son côté accaparant reste à quantifier. Cependant, et malgré ce que j’ai dit plus tôt – «Si c'est mauvais ce ne l'est que pendant deux heures» – mon reproche n’a rien à voir avec le temps perdu devant l’écran. Je n’ai de leçon à donner à personne sur le sujet. Je suis prêt à hypothéquer une quantité phénoménale de temps, pour me plonger dans des mini-séries historiques de HBO comme Band of Brothers, The Pacific, ou John Adams, ou toutes les adaptations de classiques littéraires par la BBC.
Le temps permet un développement des personnages plus en profondeur et une évolution des situations plus détaillée. Non, mon véritable reproche est qu’il n’y a pas de fin. Je veux et j’exige un dénouement et une situation finale. Dans une première saison classique, présentée en dix épisodes et devant s’étirer sur plusieurs années, vous aurez dix rebondissements que je qualifierais de moments creux (low point). Vous n’y rencontrerez aucune conclusion puisque le règlement de chaque moment creux, devient le rebondissement suivant. On remplace un nœud, par un nœud. Qu’y a-t-il de satisfaisant dans ce modèle narratif? J’ai l’impression que les scénaristes cherchent le meilleur moyen de nous faire chier à la fin de chaque épisode et qu’en retour nous ne trouvons autre chose à faire, que de considérer cela comme du génie.
Je ne suis pas d’accord. Donnez-moi une fin et si je l’aime, vous me donnerez une suite.
Ce logo a de la gueule (source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:VHS_logo.svg) |
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