Gaspésie 1996 – Partie 2

Samedi, 12 octobre 1996

Je n’ai pas beaucoup dormi pendant ce voyage. Je me couchais assez tard, je me réveillais très tôt et le stress de la journée à venir m’empêchais de me rendormir. À Percé cela m’a permis de prendre des photos du lever de soleil sur le célèbre rocher. Sur un quai, un homme m’a demandé si j’étais intéressé par un tour à l’île Bonaventure. À 18 ans, toujours adolescent, mon insécurité et mon impréparation prenaient le dessus. Je vivais mon voyage avec le sentiment que je devais repartir au plus vite, pour ne pas manquer d’occasion de pouce.

J’ai dit non au tour vers l’île. Je suis retourné à ma chambre. J’ai rassemblé mes affaires. Je n’ai pas laissé de pourboire. J’ai repris la route 132. De Percé à Amqui, j’ai rencontré plusieurs personnes. Le premier à me prendre venait d’une grande ville, Québec ou Montréal et il a fait un arrêt à un belvédère, pour me montrer pourquoi il vivait maintenant en Gaspésie : le paysage. Le plus durable conducteur m’a pris à Chandler. C’était un briqueleur du Saguenay-Lac-St-Jean, qui retournait chez lui après un contrat dans le coin. Il ne passait pas par la traverse de Matane, parce qu’il préférait conduire et passer par Québec, plutôt que d’attendre et payer le passage sur le Camille-Marcoux. J’ai beaucoup dormi à côté de lui. J’avais du temps.


Le briqueleur m’a déposé à Amqui, où j’ai soupé dans une cantine. J’ai demandé un hamburger tout garni et au Bas-St-Laurent, ça veut dire ketchup, relish, moutarde, oignons et frites. À la première patate, je me suis dit que c’était une erreur. Après une dizaine, j’ai compris que la salade de chou dans le sandwich, était une habitude régionale à Magog et Sherbrooke.

Après mon repas, la ciel annonçait de la pluie. Ça aurait dû me convaincre de rester à Amqui, mais j’ai choisi de continuer le plus loin que je pouvais. Quelqu’un m’a ramassé jusqu’à Rimouski. Arrivé là-bas, il était tard et je devais me trouver un endroit pour dormir. J’avais vu en passant en auto, l’hôtel Rimouski. Je m’y suis rendu, à tout hasard.

J’y suis entré et le réceptionniste en costume trois pièces, par un simple regard, m’a fait comprendre que je n’étais pas à ma place. Il m’a dit que l’hôtel était complet. Je lui ai demandé s’il y avait un bon endroit pour passer la nuit et il a été d’une excellente assistance en me donnant les coordonnées des résidences du Cégep de Rimouski. Une vingtaine de minutes plus tard, je louais une chambre à 20$, dont cinq me seraient remis le lendemain en rendant la clé. Encore une fois je réalisais que j’aurais dû faire plus de recherche avant de partir. Matane et Gaspé ayant des cégeps, j’aurais peut-être pu profiter d’un hébergement plus adapté à mes moyens.



Dimanche, 13 octobre 1996

Je n’étais pas prêt psychologiquement, à traverser la région de Québec sur le pouce. En me levant, ma décision était prise, je prenais l’autobus pour rentrer à Sherbrooke. J’ai remis la clé pour récupérer mes cinq dollars et je suis parti vers le terminus.

J’ai acheté un billet pour Sherbrooke, avec correspondance à Ste-Foy. Je n’avais pas pensé qu’en ce dimanche, les services étaient moins fréquents. J’ai passé quelques heures à attendre dans le terminus, en lisant des nouvelles de Prosper Mérimée. J’ai téléphoné à mon père, pour lui demander s’il pouvait venir me chercher à mon arrivée. Cela m’évitait de prendre un autre bus vers Magog. Je suis gâté. Tout près de Sherbrooke, sur l’autoroute 10, j’ai vu le petit Ford Ranger rouge de mon père passer. Il est arrivé avant moi, parce que nous avons laissé des gens à quelques endroits, avant de finalement nous rendre au centre-ville.

J’étais content de rentrer et, malgré le caractère précipité du voyage, très fier de ce que j’avais fait. J’avais mené à terme un vieux projet. Je ne pense pas avoir déjà mentionné à celui qui m’a inspiré, que j’avais enfin pris le temps de partir comme ça. Tout bouge très vite à l’adolescence et nous nous étions déjà perdus de vue à ce moment. Ce n’était pas grand-chose en comparaison du Mexique, mais je suis persuadé qu’il m’aurait poussé à aller un peu plus loin. Quand j’ai commencé le cours de cuisine en janvier suivant, c’était encore frais dans ma tête. Je m’en vantais comme si j’avais conquis le monde.

J’en ai tellement parlé, qu’un ami rencontré dans ce cours, a pris son baluchon l’été venu et il est parti faire le tour de la Gaspésie. Après mon DEP, je suis retourné au cégep et le pouce est devenu pour moi un moyen régulier de voyager entre l’école et Magog. Je prenais un bus de ville jusqu’au Carrefour de l’Estrie, je sortais mon carton qui se lisait Magog d’un côté, Cégep de l’autre et je m’installais à côté du magasin Bureau en Gros. Je ne suis jamais resté là plus de cinq minutes.

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