Pendant une grande partie de mes études au baccalauréat en histoire, j’ai vécu tout près de l’Université de Sherbrooke, sur la rue St-Esprit. Je partageais un adorable logement avec mon ami Yves. Ma petite chambre était au sous-sol, mais cuisine, salle-de-bain, salon et chambre du coloc étaient au rez-de-chaussée. Notre porte d’entrée donnait sur le côté de la maison, cachée par une grande haie de cèdres et un immense érable. C’était beau et discret. L’automne venu, des feuilles tombaient sur notre balcon et avec chaque ouverture de la porte, certaines se retrouvaient sur le plancher de la cuisine. Nous les laissions là.
Je garde surtout de bons souvenirs de ce petit palace. J’y ai découvert la série de la BBC Pride & Prejudice. J’y ai eu d’intenses soirées de rigolade avec mon colocataire. J’y ai développé ma dépendance à Internet. Le propriétaire, Monsieur P, était très gentil. Il avait acquis cette maison parce qu’il y avait grandit. Elle était maintenant séparé en trois logements. Lui, il vivait sur une autre rue, pas très loin.
Je ne crois pas que mon colocataire garde un bon souvenir de Monsieur P. Lorsque nous avons quitté le logement, nous avons dû refaire le plancher, parce que nous avions détruit celui trouvé à notre arrivée. Pour faire une histoire courte, nous avons mis une teinture et un vernis, sur un plancher qui ne pouvait être ni teint, ni verni. J’ai accepté le blâme, mais mon ami a eu du mal à avaler la pilule.
Nous avons installé un plancher flottant de mauvaise qualité et c’en fût terminé de cette histoire. Avec le recul, l’affaire est plus drôle que déplaisante. Le véritable mauvais souvenir que je garde de cet endroit, est en lien avec le 2 juillet 2002. Ce jour-là à Sherbrooke, il a beaucoup plu. Tellement que les poubelles descendaient la rue St-Esprit, poussées par l’eau. Je regardais ce drôle de spectacle de mon salon, avec un petit sourire en coin. J’étais tranquille et au sec, mais un doute a germé dans ma tête. C’était beaucoup d’eau dans une rue bien au dessus du niveau de ma chambre.
Je garde surtout de bons souvenirs de ce petit palace. J’y ai découvert la série de la BBC Pride & Prejudice. J’y ai eu d’intenses soirées de rigolade avec mon colocataire. J’y ai développé ma dépendance à Internet. Le propriétaire, Monsieur P, était très gentil. Il avait acquis cette maison parce qu’il y avait grandit. Elle était maintenant séparé en trois logements. Lui, il vivait sur une autre rue, pas très loin.
Je ne crois pas que mon colocataire garde un bon souvenir de Monsieur P. Lorsque nous avons quitté le logement, nous avons dû refaire le plancher, parce que nous avions détruit celui trouvé à notre arrivée. Pour faire une histoire courte, nous avons mis une teinture et un vernis, sur un plancher qui ne pouvait être ni teint, ni verni. J’ai accepté le blâme, mais mon ami a eu du mal à avaler la pilule.
Nous avons installé un plancher flottant de mauvaise qualité et c’en fût terminé de cette histoire. Avec le recul, l’affaire est plus drôle que déplaisante. Le véritable mauvais souvenir que je garde de cet endroit, est en lien avec le 2 juillet 2002. Ce jour-là à Sherbrooke, il a beaucoup plu. Tellement que les poubelles descendaient la rue St-Esprit, poussées par l’eau. Je regardais ce drôle de spectacle de mon salon, avec un petit sourire en coin. J’étais tranquille et au sec, mais un doute a germé dans ma tête. C’était beaucoup d’eau dans une rue bien au dessus du niveau de ma chambre.
J’ai dévalé les quelques marches pour me rendre dans mes quartiers et j’ai vu ce que je redoutais. De l’eau commençait à monter. Je n’y pouvais rien. J’ai fait quelques tentatives désespérées pour ralentir et stopper le débit, mais j’ai fini par simplement mettre mes objets de valeur en hauteur. Le niveau a atteint une dizaine de centimètres avant de redescendre très lentement.
La suite fut très ennuyeuse : démarches avec les assureurs, rénovation complète du sous-sol, relocalisation temporaire de ma chambre dans le salon. Après quelques semaines de cet arrangement, je commençais à être un peu déprimé. Je n’avais pas de session d’été. Je travaillais à temps partiel au Renaud-Bray quatre jours par semaine. J’avais besoin de sortir de chez moi et mon horaire me le permettait. Le budget pouvant poser problème, je me tournai instinctivement vers l’auto-stop. L’itinéraire me fut inspiré par le fait que je n’avais jamais pris le traversier de Matane à la Côte-Nord.
J’étais prêt. Je ne savais pas combien de temps il me faudrait, mais au pire je pouvais étirer jusqu’au jeudi, étant donné que je ne commençais à travailler qu’à 17 heures. Je suis parti tôt le premier lundi des vacances de la construction. J’ai marché jusqu’au boulevard de l’Université, d’où j’ai commencé à faire signe aux voitures se dirigeant vers l’autoroute 410.
Tout s’est bien déroulé jusqu’à ce que j’arrive à la hauteur de Québec. En 1998, en allant vers le Saguenay-Lac-St-Jean, j’avais eu peur de rester pris sur l’autoroute 20. En 2002 c’était mon année. J’ai eu à marcher sur le bord des voies qui se séparent pour aller vers Québec ou vers le Bas-St-Laurent. J’ai traversé le pont qui enjambe la rivière Chaudière. J’avais l’impression que les voitures passaient à quelques centimètres de moi. J’ai eu beaucoup de chance de ne pas me faire arrêter par la police.
La suite fut très ennuyeuse : démarches avec les assureurs, rénovation complète du sous-sol, relocalisation temporaire de ma chambre dans le salon. Après quelques semaines de cet arrangement, je commençais à être un peu déprimé. Je n’avais pas de session d’été. Je travaillais à temps partiel au Renaud-Bray quatre jours par semaine. J’avais besoin de sortir de chez moi et mon horaire me le permettait. Le budget pouvant poser problème, je me tournai instinctivement vers l’auto-stop. L’itinéraire me fut inspiré par le fait que je n’avais jamais pris le traversier de Matane à la Côte-Nord.
J’étais prêt. Je ne savais pas combien de temps il me faudrait, mais au pire je pouvais étirer jusqu’au jeudi, étant donné que je ne commençais à travailler qu’à 17 heures. Je suis parti tôt le premier lundi des vacances de la construction. J’ai marché jusqu’au boulevard de l’Université, d’où j’ai commencé à faire signe aux voitures se dirigeant vers l’autoroute 410.
Tout s’est bien déroulé jusqu’à ce que j’arrive à la hauteur de Québec. En 1998, en allant vers le Saguenay-Lac-St-Jean, j’avais eu peur de rester pris sur l’autoroute 20. En 2002 c’était mon année. J’ai eu à marcher sur le bord des voies qui se séparent pour aller vers Québec ou vers le Bas-St-Laurent. J’ai traversé le pont qui enjambe la rivière Chaudière. J’avais l’impression que les voitures passaient à quelques centimètres de moi. J’ai eu beaucoup de chance de ne pas me faire arrêter par la police.
Le pont sur la rivière Chaudière, juste avant le terrible nœud |
C’est une jeune québécoise vivant au Nouveau-Brunswick, qui finira par me sortir de là. Elle retournait chez elle et nous avons discuté de tout et de rien. À un moment, la police l’a surprise à 125 à l’heure. Après, elle m’expliquera que c’était la première fois qu’elle se faisait prendre en excès de vitesse. Je lui ai dit que c’était la première fois qu’un de mes conducteurs se faisait arrêter comme ça. Cette jeune femme m’a laissé à Rivière-du-Loup, lorsqu’elle s’est engagée sur la route 185. Je me suis ensuite rendu assez facilement jusqu’à Rimouski, mais de là à Ste-Luce il n’allait plus se passer grand-chose. Il y avait un grand chantier routier et après une ou deux heures à marcher dedans, j’étais couvert de poussière.
Comme personne n’ose s’arrêter dans un chantier, j’ai décidé de faire une pause dans un parc qui jouxtait la piste cyclable, parallèle à la route 132. J’ai dormi un peu, ce qui m’a fait du bien. C’est un motocross qui passait bruyamment sur la piste cyclable qui m’a réveillé. J’ai repris mon sac et je suis retourné solliciter une âme généreuse. En ce mois de juillet, il y avait beaucoup de circulation et une forte concentration de touristes. Des petites familles avec leurs bagages ne sont pas très susceptibles de s’arrêter pour un pouceux. Cette journée a aussi fini de détruire chez moi le mythe hippie. Je n’ai jamais vu autant de Westfalia. Aucune ne s’est arrêtée.
Quand enfin j’ai réussi à inspirer confiance à quelqu’un, j’allais vivre une drôle d’expérience. Il faut d’abord expliquer que lorsqu’on essai de se faire prendre en auto-stop, il est essentiel de regarder les gens dans les yeux et de leur sourire. Ce faisant, on les met en confiance, mais on remarque aussi les visages et les expressions. Celui qui m’a pris était un fou de l’accélérateur et nous n’avons fait que la distance entre Ste-Luce et Mont-Joli ensemble. Il a dépassé des dizaines de voitures qui venaient de m’ignorer. Une fois débarqué, j’ai reconnu des visages qui m’ont ignoré à nouveau.
La dernière personne à m’avoir pris au Bas-St-Laurent m’a fait faire le bout entre Mont-Joli et Matane. C’était une dame dans la cinquantaine. Elle n’était pas folle de l’accélérateur, mais plutôt de Dieu – avec un grand D, oui. Elle m’a raconté qu’elle était membre d’une communauté religieuse laïque. Je n’ai pas très bien compris le concept. Elle est restée abasourdie d’apprendre que je ne connaissais pas un certain monsieur de Sherbrooke, fondateur de son ordre religieux. Nous n’évoluions apparemment pas dans les mêmes cercles, lui et moi.
Comme personne n’ose s’arrêter dans un chantier, j’ai décidé de faire une pause dans un parc qui jouxtait la piste cyclable, parallèle à la route 132. J’ai dormi un peu, ce qui m’a fait du bien. C’est un motocross qui passait bruyamment sur la piste cyclable qui m’a réveillé. J’ai repris mon sac et je suis retourné solliciter une âme généreuse. En ce mois de juillet, il y avait beaucoup de circulation et une forte concentration de touristes. Des petites familles avec leurs bagages ne sont pas très susceptibles de s’arrêter pour un pouceux. Cette journée a aussi fini de détruire chez moi le mythe hippie. Je n’ai jamais vu autant de Westfalia. Aucune ne s’est arrêtée.
Quand enfin j’ai réussi à inspirer confiance à quelqu’un, j’allais vivre une drôle d’expérience. Il faut d’abord expliquer que lorsqu’on essai de se faire prendre en auto-stop, il est essentiel de regarder les gens dans les yeux et de leur sourire. Ce faisant, on les met en confiance, mais on remarque aussi les visages et les expressions. Celui qui m’a pris était un fou de l’accélérateur et nous n’avons fait que la distance entre Ste-Luce et Mont-Joli ensemble. Il a dépassé des dizaines de voitures qui venaient de m’ignorer. Une fois débarqué, j’ai reconnu des visages qui m’ont ignoré à nouveau.
La dernière personne à m’avoir pris au Bas-St-Laurent m’a fait faire le bout entre Mont-Joli et Matane. C’était une dame dans la cinquantaine. Elle n’était pas folle de l’accélérateur, mais plutôt de Dieu – avec un grand D, oui. Elle m’a raconté qu’elle était membre d’une communauté religieuse laïque. Je n’ai pas très bien compris le concept. Elle est restée abasourdie d’apprendre que je ne connaissais pas un certain monsieur de Sherbrooke, fondateur de son ordre religieux. Nous n’évoluions apparemment pas dans les mêmes cercles, lui et moi.
Le fleuve St-Laurent à Matane |
Lorsque nous sommes arrivés à Matane, j’ai eu du mal à me défaire d’elle. Elle tenait absolument à me trouver un toit pour la nuit. Je n’ai pas joué le jeu longtemps et j’ai compris comment je devais m’y prendre pour m’en sortir. Au deuxième motel où nous sommes passés, je suis descendu de la voiture pour confirmer qu’il n’y avait plus de place. Je suis revenu vers la dame et j’ai menti. Je l’ai remercié, j’ai pris mon sac et je suis retourné à l’intérieur de la réception du motel pour la regarder s’en aller. Quand la voie a été libre, je suis reparti à pied. J’ai soupé au Kentucky parce que j’aime ça et je me suis dirigé lentement vers le terminal de la traverse Matane-Côte-Nord.
L’endroit était parfait pour la nuit. Il y avait des toilettes propres et des bancs pour m’allonger. J’ai pu me brosser les dents. Un très jeune touriste anglophone attendant le bateau avec ses parents m’a demandé pourquoi je faisais ça. Drôle. Je me suis installé la tête sur mon sac pour dormir avant le départ du bateau, à cinq heures le lendemain matin.
L’endroit était parfait pour la nuit. Il y avait des toilettes propres et des bancs pour m’allonger. J’ai pu me brosser les dents. Un très jeune touriste anglophone attendant le bateau avec ses parents m’a demandé pourquoi je faisais ça. Drôle. Je me suis installé la tête sur mon sac pour dormir avant le départ du bateau, à cinq heures le lendemain matin.
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