Charles


Antonio Garon et Claudia Marcoux avec leurs 19 enfants
Le petit Charles a 12 ans

Je n’ai pas l’habitude d’utiliser les noms complets dans mes billets, mais je fais pour cette fois une exception. La personne, Monsieur Charles Garon, est décédée. J'ai choisi de publier ce texte le 31 décembre puisque ce jour marquait le cinquantième anniversaire du décès de Monsieur Antonio Garon, le père de Charles.

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J’aime bien la généalogie et son côté trivial. J’en ai rapidement parlé dans mon billet Un siècle à Chartierville, j’aime en savoir un peu plus sur mon ascendance. Ce passe-temps a un côté malsain, qui est de diluer mon attention et mon temps dans une multitude de pistes ne menant nulle part. Le résultat est qu’il n’y a pas de résultat et je n’ai pas suffisamment de contenu pour écrire un texte intéressant et publiable sur mon blogue.

Mais c’est tellement satisfaisant! Ce que je préfère, c’est de retrouver les avis de décès de mes ancêtres dans les journaux locaux. Ces petits extraits nous apprennent beaucoup en quelques lignes. Où telle aïeule est née, où tel autre est mort, les noms de la famille élargie en deuil, il est parfois question de la cause du décès et dans certains cas, il y a l’adresse domiciliaire de la défunte personne.

Si au contraire des données nous échappent, l’exercice devient rapidement frustrant. Par exemple, j’ai pu retrouver jusqu’à l’emplacement géographique de la sépulture d’une arrière-arrière-grand-mère paternelle aux États-Unis, mais je n’arrive pas à obtenir le moindre renseignement sur son mari. Il reste introuvable dans les documents et dans l’espace et récemment, il m’a fait penser à mon voisin de 85 ans, décédé au mois de mars 2022.

Je m’explique. Ce voisin nommé Charles Garon – Charley pour les intimes, Monsieur Garon pour moi – est originaire de Coleraine Station, aujourd’hui dans Saint-Joseph-de-Coleraine. Il avait à ma connaissance un fils dans la fin de la quarantaine et des petits-enfants assez jeune. Il résidait dans l’immeuble depuis deux ans lorsqu’Annie et moi en avons fait l’acquisition. Il avait du caractère, mais restait respectueux envers nous. Son logement était en ordre et lorsqu’il rencontrait un problème, il nous avisait toujours avant d’effectuer la réparation. Il aimait travailler de ses mains et nous le laissions faire ce qu’il voulait. Il ne fumait pas et interdisait à ses visiteurs de le faire à l’intérieur.

Lorsque nous emménagerons juste à côté de chez lui, il ne se passera que quelques mois avant que des problèmes de santé se manifestent chez lui. Quatre fois l’ambulance viendra le chercher, jusqu’à ce qu’il subisse une opération au coeur. Il semblera s’en remettre et comme nous étions en plein été, il avait son lot habituel de projets, ce qui aide toujours à bien se sentir. Les choses se compliqueront au mois de février 2022. Il y avait plusieurs jours que nous ne le voyions plus. Nous savions qu’il sortait peu l’hiver, mais nous nous inquiétions de son invisibilité prolongée. Je cognai chez lui pour me faire répondre par son colocataire qu’il était couché et se reposait. Il avait la Covid.

Je laissai quelques jours de quarantaine passer avant d’y retourner. Pas moyen de le voir, il était encore couché. Selon les dires de son colocataire, il ne se levait que quelques minutes le matin, buvait une gorgée de café, mangeait un morceau de pêches en conserve et retournait au lit. Je reviendrai à la charge sans succès une troisième fois et enfin, au début du mois de mars, je le verrai à son départ en ambulance. Il était amaigri, faible et confus. L’ambulancière présente lui posait des questions auxquelles il était incapable de répondre, mais pour sa défense, elle était vraiment nulle pour adapter son discours à son interlocuteur.

Monsieur Garon passera deux semaines à l’hôpital de Magog et nous aurons des nouvelles occasionnelles par un de ses amis. Il vivra quelques hauts, quelques bas et un AVC terminera ce que la Covid avait commencé. C’était la fin de son histoire. Son fils ne viendra pas le voir. Son corps sera abandonné à l’hôpital. Ses effets personnels seront partagés entre ses amis. Aucun avis ne sera publié.

Que vient faire mon arrière-arrière-grand-père dans tout ça? En toute honnêteté je ne crois pas que leurs fins soient comparables. Mon aïeul, qui était parti s’installer au sud du Vermont depuis quelques années au moment de sa mort subite, était entouré de son épouse et d’au moins deux de ses enfants d’âge adulte. Il n’avait pas tout à fait 70 ans. Monsieur Garon est mort lentement et pratiquement seul. Là où je ne peux m’empêcher de les comparer, c’est que dans cent ans, ses descendants chercherons des mentions de lui dans les journaux ou sur Internet et ils ne trouveront rien. À moins que mon blogue ne me survive.

Charles Garon
1936 – 2022

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Au moment où j’écrivais ce billet, un article s’intitulant Mourir dans l’oubli est paru sur le site de Radio-Canada. Bien que la situation relatée soit très différente, j’ai trouvé qu’elle était complémentaire.




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