Je tiens à conserver l'anonymat de tous les gens dont je parle dans ce texte. Je n'ai donc aucun support visuel. Alors voici un ciel étoilé, gracieuseté de mon ami Seb E. |
Il y a des personnes que l’on ne rencontre qu’une fois dans notre vie et c’est suffisant. Pour moi une de ces personnes était P. Pendant bien des années je ne saurai que son nom. Nous nous sommes côtoyés quelques minutes à peine. Ce n’est que récemment que je me souvins de lui et du peu que j’appris à son sujet. Voici comment il entra dans ma vie :
C’était vers la fin de ma troisième année du secondaire. Avec mes cheveux longs et mes lunettes rondes, beaucoup m’appelaient John Lennon. La ressemblance s’arrêtait là. J’étais un petit con qui disait tout ce qu’il pensait, sans considérer le mal que ça pouvait causer ou les conséquences que ça pouvait engendrer. C’est ainsi que lorsqu’un membre du conseil étudiant nommé A. ne fut pas réélu, je lui dis sans véritable raison que j’étais content de sa défaite.
Comme A. n’était pas content de la situation et que je le haïssais ouvertement, je devins son ennemi numéro un. Je n’étais pas vraiment inquiet, j’étais même amusé par sa colère. Que pouvait-il me faire de vraiment dommageable si ce n’est de me lancer quelques insultes, ou me bousculer dans un corridor. Même lorsqu’il me demanda de l’attendre après un party à l’école pour qu’on s’explique à coup de poing sur la gueule, je me disais que je ne risquais rien.
J’étais confiant. Le soir du party j’ai dansé et rigolé comme d’habitude, jusqu’au moment où nous sommes sortis du bâtiment. J’ai croisé A. qui en sa qualité de bénévole devait rester encore un peu pour la fin du party et il m’a rappelé de l’attendre. Je n’ai pas très bien compris ce qu’il dit et j’ai cru qu’il voulait qu’on oublie tout ça. J’ai faillit me retourner pour lui faire des excuses, mais je n’en fis rien parce que je n’étais pas assez certain de ce que j’avais entendu.
Dehors je marchais avec un groupe d’amis pour rentrer à la maison. La merde a pris lorsque nous sommes passés à côté d’un autre groupe qui sortait de la même fête. L’un d’eux, quand je passai à côté de lui, m’asséna un coup de pied au ventre. J’essayai de lui demander c’était quoi son problème, mais après un coup pareil, la parole ne se reprend pas si facilement. J’étais étouffé. C’était peut-être mieux ainsi parce que la tension monta rapidement.
Un coin de rue plus loin je ne réfléchissais déjà plus. Des membres du groupe que l’on venait de croiser avait commencé à me suivre en me lançant des injures. La seule chose qui importait maintenant pour moi était de rentrer à la maison. Sans avertissement, je pris un autre chemin que celui suivi par mes amis et me retrouvai entouré par des gens qui avaient bien hâte d’assister au spectacle imminent.
A. et moi devions nous produire, c’était de notoriété publique et la foule grandissait. J’essayai de m’enfuir, mais je n’ai jamais été un très bon athlète. Il ne fallut pas bien longtemps à un type que je n’avais jamais vu pour me rattraper, malgré ses bottes de cowboy. L’inconnu m’agrippa le bras et me ramena vers l’attroupement de gens. En marchant à ses côtés je paniquais et essayais de le raisonner, de le convaincre qu’il devait me laisser partir puisque nous ne nous connaissions pas.
Un simple «ta gueule ou j’t’en crisse une» suffit à mettre fin aux négociations. Je ne suis pas d’un naturel bien courageux. De retour au milieu de tous ces gens qui s’amusaient beaucoup plus que moi, mon visage était déformé par la peur. Comme personne ne semblait faire les premiers pas vers moi, je pensais que tout allait se régler et que je m’en irais simplement humilié. C’était à mon avis un excellent compromis et je m’en serais contenté. Mon bras toujours pris dans la main de l’inconnu, je vis du coin de l’œil A. qui arrivait.
J’étais soulagé de le voir, étant toujours convaincu – à tort peut-être – que j’arriverais à m’en sortir par la diplomatie. L’inconnu n’étant pas de cet avis a profité de sa prise pour me déséquilibrer, je suis tombé à quatre pattes et je n’ai pas eu le temps de me relever avant qu’il me donne un coup de pied au visage. Par chance il ne s’est pas acharné. J’ai entendu A. dire «Ah, laisse le partir» et c’était terminé. Je venais de faire la connaissance de P.
Je me relevai et partis. En passant devant une maison où des gens sortaient de leur voiture je demandai s’il n’avait pas un mouchoir à me donner. J’avais du sang partout. Je n’attendis pas leur réponse puisqu’au même moment je remarquais encore deux personnes qui me rejoignaient en courant. Toujours sous le choc je leur demandai de me laisser tranquille. Mon principal argument étant que j’en avais eu assez pour la soirée.
Ils avaient l’air d’être d’accord puisqu’ils venaient me demander si j’allais bien. L’un d’eux était A. et l’autre était celui qui m’avait donné le coup de pied au ventre et il en profitait pour s’excuser, en disant qu’il s’était trompé de cible. J’ai souvent repensé à la chance que j’avais eu avec P. Si je n’avais pas pris l’habitude de laisser mes lunettes à la maison lors de ce genre de sorties, il m’aurait enfoncé verres et montures dans les yeux. S’il m’avait frappé plus bas il m’aurait fracturé et disloqué la mâchoire ou écrasé le nez au milieu du visage. S’il n’avait écouté le «Ah, laisse le partir» de A., il pouvait continuer à frapper à son aise.
Je ne réalisais pas tout cela sur le coup, parce qu’en arrivant chez moi ma principale préoccupation était de ne pas entrer dans la maison comme ça. Je ne voulais pas prendre la chance de réveiller mon père pour qu’il me voit dans cet état. J’eus le réflexe de regarder chez François, un voisin que je connaissais bien et il y avait de la lumière. Je cognai à sa porte et il m’aida à nettoyer mon visage. Il allait aussi m’accompagner à l’hôpital parce que j’avais peur de possibles complications. Il n’y avait pas grand-chose à faire, si ce n’est une radiographie qui confirmerait une fracture pour laquelle il suffisait de laisser le temps faire son œuvre.
J’étais vraiment chanceux. Le lundi suivant les événements, de retour à l’école, les témoins avaient du mal à croire que la seule conséquence était que mon gigantesque nez, était légèrement plus gros qu’à l’habitude. Pendant la semaine je croisai A. dans un corridor et il m’apprit que celui qui m’avait frappé au visage, celui que j’avais rencontré pour la première et dernière fois, s’appelait P. Suite à ces événements, je me suis souvent dit que même si j’avais mal compris, j’aurais dû me retourner et présenter des excuses à A.
C’était vers la fin de ma troisième année du secondaire. Avec mes cheveux longs et mes lunettes rondes, beaucoup m’appelaient John Lennon. La ressemblance s’arrêtait là. J’étais un petit con qui disait tout ce qu’il pensait, sans considérer le mal que ça pouvait causer ou les conséquences que ça pouvait engendrer. C’est ainsi que lorsqu’un membre du conseil étudiant nommé A. ne fut pas réélu, je lui dis sans véritable raison que j’étais content de sa défaite.
Comme A. n’était pas content de la situation et que je le haïssais ouvertement, je devins son ennemi numéro un. Je n’étais pas vraiment inquiet, j’étais même amusé par sa colère. Que pouvait-il me faire de vraiment dommageable si ce n’est de me lancer quelques insultes, ou me bousculer dans un corridor. Même lorsqu’il me demanda de l’attendre après un party à l’école pour qu’on s’explique à coup de poing sur la gueule, je me disais que je ne risquais rien.
J’étais confiant. Le soir du party j’ai dansé et rigolé comme d’habitude, jusqu’au moment où nous sommes sortis du bâtiment. J’ai croisé A. qui en sa qualité de bénévole devait rester encore un peu pour la fin du party et il m’a rappelé de l’attendre. Je n’ai pas très bien compris ce qu’il dit et j’ai cru qu’il voulait qu’on oublie tout ça. J’ai faillit me retourner pour lui faire des excuses, mais je n’en fis rien parce que je n’étais pas assez certain de ce que j’avais entendu.
Dehors je marchais avec un groupe d’amis pour rentrer à la maison. La merde a pris lorsque nous sommes passés à côté d’un autre groupe qui sortait de la même fête. L’un d’eux, quand je passai à côté de lui, m’asséna un coup de pied au ventre. J’essayai de lui demander c’était quoi son problème, mais après un coup pareil, la parole ne se reprend pas si facilement. J’étais étouffé. C’était peut-être mieux ainsi parce que la tension monta rapidement.
Un coin de rue plus loin je ne réfléchissais déjà plus. Des membres du groupe que l’on venait de croiser avait commencé à me suivre en me lançant des injures. La seule chose qui importait maintenant pour moi était de rentrer à la maison. Sans avertissement, je pris un autre chemin que celui suivi par mes amis et me retrouvai entouré par des gens qui avaient bien hâte d’assister au spectacle imminent.
A. et moi devions nous produire, c’était de notoriété publique et la foule grandissait. J’essayai de m’enfuir, mais je n’ai jamais été un très bon athlète. Il ne fallut pas bien longtemps à un type que je n’avais jamais vu pour me rattraper, malgré ses bottes de cowboy. L’inconnu m’agrippa le bras et me ramena vers l’attroupement de gens. En marchant à ses côtés je paniquais et essayais de le raisonner, de le convaincre qu’il devait me laisser partir puisque nous ne nous connaissions pas.
Un simple «ta gueule ou j’t’en crisse une» suffit à mettre fin aux négociations. Je ne suis pas d’un naturel bien courageux. De retour au milieu de tous ces gens qui s’amusaient beaucoup plus que moi, mon visage était déformé par la peur. Comme personne ne semblait faire les premiers pas vers moi, je pensais que tout allait se régler et que je m’en irais simplement humilié. C’était à mon avis un excellent compromis et je m’en serais contenté. Mon bras toujours pris dans la main de l’inconnu, je vis du coin de l’œil A. qui arrivait.
J’étais soulagé de le voir, étant toujours convaincu – à tort peut-être – que j’arriverais à m’en sortir par la diplomatie. L’inconnu n’étant pas de cet avis a profité de sa prise pour me déséquilibrer, je suis tombé à quatre pattes et je n’ai pas eu le temps de me relever avant qu’il me donne un coup de pied au visage. Par chance il ne s’est pas acharné. J’ai entendu A. dire «Ah, laisse le partir» et c’était terminé. Je venais de faire la connaissance de P.
Je me relevai et partis. En passant devant une maison où des gens sortaient de leur voiture je demandai s’il n’avait pas un mouchoir à me donner. J’avais du sang partout. Je n’attendis pas leur réponse puisqu’au même moment je remarquais encore deux personnes qui me rejoignaient en courant. Toujours sous le choc je leur demandai de me laisser tranquille. Mon principal argument étant que j’en avais eu assez pour la soirée.
Ils avaient l’air d’être d’accord puisqu’ils venaient me demander si j’allais bien. L’un d’eux était A. et l’autre était celui qui m’avait donné le coup de pied au ventre et il en profitait pour s’excuser, en disant qu’il s’était trompé de cible. J’ai souvent repensé à la chance que j’avais eu avec P. Si je n’avais pas pris l’habitude de laisser mes lunettes à la maison lors de ce genre de sorties, il m’aurait enfoncé verres et montures dans les yeux. S’il m’avait frappé plus bas il m’aurait fracturé et disloqué la mâchoire ou écrasé le nez au milieu du visage. S’il n’avait écouté le «Ah, laisse le partir» de A., il pouvait continuer à frapper à son aise.
Je ne réalisais pas tout cela sur le coup, parce qu’en arrivant chez moi ma principale préoccupation était de ne pas entrer dans la maison comme ça. Je ne voulais pas prendre la chance de réveiller mon père pour qu’il me voit dans cet état. J’eus le réflexe de regarder chez François, un voisin que je connaissais bien et il y avait de la lumière. Je cognai à sa porte et il m’aida à nettoyer mon visage. Il allait aussi m’accompagner à l’hôpital parce que j’avais peur de possibles complications. Il n’y avait pas grand-chose à faire, si ce n’est une radiographie qui confirmerait une fracture pour laquelle il suffisait de laisser le temps faire son œuvre.
J’étais vraiment chanceux. Le lundi suivant les événements, de retour à l’école, les témoins avaient du mal à croire que la seule conséquence était que mon gigantesque nez, était légèrement plus gros qu’à l’habitude. Pendant la semaine je croisai A. dans un corridor et il m’apprit que celui qui m’avait frappé au visage, celui que j’avais rencontré pour la première et dernière fois, s’appelait P. Suite à ces événements, je me suis souvent dit que même si j’avais mal compris, j’aurais dû me retourner et présenter des excuses à A.
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