Première de trois parties
L’autoportrait
Le 1er avril 2019, j’ai fêté le dixième anniversaire du tournage de mon autoportrait, pour mon dossier d’application à la troisième édition de la Course Estrie. C’était la troisième fois que je soumettais ma candidature à cet événement, nommé en référence à l’ancienne Course Destination Monde et faisant la promotion des jeunes réalisateurs amateurs de la région, en leur donnant une tribune et une expérience professionnelle.
La directrice et fondatrice de la Course avait commencé modestement en 2003 avec quatre réalisateurs sélectionnés pour faire des films dans le Haut-St-François. De 2007 à 2009 la Course Haut-St-François allait devenir la Course Estrie, pour finalement devenir la Course des Régions en 2011 avec des participants de partout au Québec. Depuis, elle s’est étendue à «tout» le Canada, ce qui signifie le Québec, quelques régions de l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest.
En 2009, chaque aspirant devait soumettre un autoportrait vidéo qui respectait les critères de production suivants :
- Un court métrage de 2 minutes maximum (support DVD) ayant pour thème «Autoportrait». Ce petit film est l’occasion de nous démontrer votre savoir faire, votre originalité dans le traitement et votre habileté technique, tout en nous disant en quoi vous êtes un bon candidat pour la Course Estrie. Compte pour 50% de l’évaluation.
Le dossier complet incluait aussi mon CV, ma filmographie, un synopsis original (dans le sens d’inédit et de mon cru), une lettre de motivation et un chèque de 20$. Comme je venais de passer deux ans à essayer d’être sélectionné sans succès, je me suis dit qu’il fallait me démarquer. Je n’avais pas beaucoup d’expérience et j’avais peu d’équipement. J’ai décidé que le temps alloué était trop long. Ne disaient-ils pas «maximum»? Je me suis mis dans la peau d’un présentateur de nouvelles et j’ai vomit en 30 secondes, les raisons pour lesquelles j’étais un excellent candidat.
C’était amplement suffisant. Quelques semaines plus tard je recevais un appel de l’adjointe de la directrice de l’événement, m’apprenant que j’avais été choisi. J’étais bien fier, mais j’apprendrai plus tard que pour sept réalisatrices et réalisateurs participants, la Course n’avait pas reçu plus d’une dizaine d’applications. Cela n’émoussait pas mon euphorie. J’allais enfin recevoir de la formation, du support technique et un budget pour réaliser deux courts métrages : une fiction et un documentaire.
Ces deux films devaient être tournés dans l’une des sept municipalités régionales de comté (MRC) de l’Estrie, incluant Sherbrooke. Je me disais que je serais très heureux de me retrouver dans Memphrémagog, puisque j’y avais passé dix ans, ou alors dans le Haut-St-François, puisque mon père en était originaire, ou peut-être Coaticook, qui englobe le village natal de ma mère et pourquoi pas Sherbrooke, où j’étais né et où j’étais revenu depuis maintenant neuf ans.
Lors de notre première rencontre dans un local de la bibliothèque Éva-Sénécal à Sherbrooke, j’ai pu rencontrer tous les participants. La seule femme du groupe allait abandonner pour une question de liberté artistique, ou quelque chose du genre. Elle allait être remplacée par une autre jeune femme de la courte liste d’attente. Nous avons visionné les autoportraits de chacun et une des membres du jury de sélection, a insisté pour jouer le mien deux fois. C’était mon petit moment de gloire.
Lorsqu’est venu le temps de nous attribuer une région, le destin allait faire que toutes mes options étaient convoitées par l’une ou l’autre des sept. Le guerrier paresseux que je suis refusait de se battre, alors je me suis retrouvé dans la MRC des Sources, anciennement de l’Amiante. Ce que j’en connaissais? Pas grand chose, sinon qu’Asbestos en était le chef-lieu. Y étais-je déjà allé? Oui, parce que la mère de mon ami Alexandre y résidait. La distribution finale était la suivante :
- William dans Coaticook;
- Mathieu dans le Granit;
- Fannie dans le Haut-St-François;
- Luc dans les Sources;
- Dominique dans le Val-St-François;
- Marc dans Memphrémagog;
- Olivier dans Sherbrooke.
En étant jumelé avec une MRC nous recevions l’aide d’un intervenant, qui devait nous mettre en contact avec les bonnes personnes, selon nos projets. Dans mon cas j’ai rencontré Alain et il est devenu, pour quelques mois, mon meilleur ami. Natif d’Asbestos, c’était un type sympathique qui connaissait tout le monde dans sa MRC. Il travaillait pour le Centre Local de Développement. Il avait un compte de dépenses pour me payer le déjeuner. J’en ai profité à quelques reprises.
J’ai aussi profité de la visibilité qu’offrait la Course Estrie. Les médias locaux en parlaient beaucoup. Entre notre première rencontre à la bibliothèque Éva-Sénécal et la conférence de presse pour nous présenter aux médias, il s’est écoulé presqu’un mois. Lors de cette conférence, le journaliste du Voir Estrie a remis en question la notion de «jeunes réalisateurs et réalisatrices». À 31 ans, il me trouvait un peu vieux et il n’avait pas tort, mais j’ai profité du règlement : 18 à 35 ans. Un autre journaliste, espérant avoir devant lui un groupe de génies, a demandé si nous en étions tous à notre première tentative de participation à l’événement. J’aurais bien pu mentir, mais c’était plus drôle de voir le visage de ceux qui écoutaient : «c’était ma troisième application en trois ans».
Il y aurait plusieurs autres occasions de faire les paons devant les journalistes. La direction de la Course essayait d’offrir une tribune équitable à tous les participants et alternait les affectations. C’est pourquoi je me suis retrouvé avec Marc de Memphrémagog à la télévision, pour l’émission La Vie en Estrie. Nous avions la chance d’y être en compagnie d’Anh Minh Truong, un réalisateur professionnel ayant grandi à Sherbrooke. C’est un surdoué qui a choisi la caméra comme outil de travail. Il aurait pu faire ce qu’il voulait dans le domaine élargi des arts visuels et il aurait réussi.
En plus de la visibilité médiatique, la Course Estrie nous offrait de la formation. Parfois nous recevions des invités dans un local de la bibliothèque Eva-Sénécal, d’autres fois nous devions nous déplacer à l’INIS, au centre-ville de Montréal. Un de mes meilleurs souvenirs de ces formations est lorsqu’un de nos professeurs nous a montré une scène du film irlandais Once, où Glen Hansard à la guitare et Markéta Irglová au piano, jouent la pièce Falling Slowly.
Pendant notre pause dîner, je suis allé au Archambault de la rue Ste-Catherine et j’ai acheté le DVD du film. Je voulais absolument le faire écouter à Annie. Nous avions déjà planifié notre voyage en Irlande pour l’été qui s’en venait et en marchant dans Dublin, nous allions reconnaître le site de tournage de la scène d’ouverture, lorsque Glen Hansard se fait piquer son étui à guitare, pendant qu’il joue pour les passants.
Le formateur qui nous avait montrer la scène des deux musiciens devait nous aider avec l’écriture de nos scénarios de fiction. Avec cet exemple, il voulait nous montrer un court métrage, puisque la scène se suffit à elle-même. Il lira nos scénarios et nous fera des commentaires. Je pense qu’il était payé pour être gentil et indulgent.
Un de ses collègues avait pour mandat de nous aider sur le plan technique. Il nous fera passer du temps en studio, à jouer avec des consoles, des micros et des caméras. Pour des séances qui ne duraient pas plus de deux jours, c’était très efficace. Comme bénéfice marginal, tous les participants allaient apprendre à se connaître. Un des membres de notre groupe, plus jaloux de ses idées, allait rester dans son coin pour toute la durée de la Course. D’autres allaient se retrouver sur les plateaux de tout le monde pour les aider.
Avec le travail en parallèle, je n’ai pas pris le temps d’aider les autres, mais Mathieu du Granit allait venir en aide à William de Coaticook et à moi et j’avais aussi Pascal, un ancien de la Course 2008, sur mon plateau de tournage de fiction. Je me sentais vraiment privilégié dans cet environnement de travail et de formation.
Pour lire la suite de ma Course :
https://route138.blogspot.com/2019/04/2019-04-12-courir-partie-2.html