|
L'épave du Brion, moi et ma caméra
|
En 2021 Annie et moi fêtons le dixième anniversaire de notre départ vers la Côte-Nord, où nous sommes restés neuf ans. J’ai déjà écrit quelques récits sur la Côte-Nord. J’ai une série de billets en développement à propos de ma maîtrise sur Kegaska. J’ai relaté certaines aventures que j’ai vécues là-bas. J’ai parlé de mes premiers pas dans cette région en 2002. Ce que je n’ai jamais fait, c’est de raconter notre premier séjour, à la fin juin 2011.
À ce moment nous vivions la période la plus incertaine de notre vie. Nous avions très peu d’argent de côté. Notre ménage était entreposé chez mes beaux-parents. Nous étions en congés sans solde chez nos employeurs estriens – où nous ne retournerons pas. Nous n’avions aucune idée des possibilités d’emploi pour Annie et en ce qui me concerne, nous étudiions la possibilité que je ne reprenne pas le travail immédiatement afin de me concentrer sur mes études et finaliser au plus vite ma maîtrise.
|
La traverse sur la rivière Saguenay
|
Nous avions confiance en nous et ça nous semblait suffisant. Le dimanche 26 juin, nous partions très tôt dans notre Honda Fit bien remplie. Notre premier objectif était de se rendre à Portneuf-sur-Mer, où nous avions réservé une chambre dans un gîte. Nous avons pris notre temps, arrêtant à la moindre occasion.
|
Portneuf-sur-Mer |
Le lendemain, un lundi, nous prévoyions dormir à Gallix chez ma tante et mon oncle, qui nous avaient invités à passer du temps avec eux. De Portneuf-sur-Mer à leur maison, nous devions passer par deux endroits potentiels où Annie pouvait enseigner. Elle déposera un curriculum vitae à la commission scolaire de l'Estuaire à Baie-Comeau et elle se rendra à une entrevue planifiée avant le départ, au Centre éducatif l'Abri de Port-Cartier.
|
Pause au belvédère de Rivière-Pentecôte
|
De mon côté il y avait une petite boîte de production vidéo à Baie-Comeau et on m'avait vanté les mérites et le dynamisme du propriétaire. J'y passerai pour lui remettre mon curriculum vitae, mais il refusera catégoriquement de me rencontrer. Je le sais parce que je l'entendais dire à son employée, de m'envoyer voir ailleurs. Je ne me souviens pas des mots exacts, mais ils n'étaient pas plus polis que ça.
Un peu frustré sur le coup, j'apprendrai un an plus tard par les médias que son entreprise fermait. Il avait quitté Baie-Comeau, emportant avec lui des fonds qui ne lui appartenaient pas. C'était de toute évidence un bon gars.
|
Gallix a la plus belle plage du monde connu
|
Une fois à Gallix, nous serons gâtés par ma tante. Elle a un don pour bien recevoir, entretenu par des années d'éloignement. Depuis la fin des années 60, elle et mon oncle s'étaient installés sur la Côte-Nord. Elle nous fera un délicieux souper. Nous prendrons avec elle une grande marche sur la plus belle plage du monde. Nous verrons notre premier capelan.
|
Voir le capelan «rouler» est une icône de la Côte-Nord
|
Nous ne resterons qu'une nuit avant de nous diriger vers le Havre-St-Pierre. Annie laissera un curriculum vitae aux bureaux de la commission scolaire à Sept-Îles, puis nous nous aventurerons en Moyenne-Côte-Nord.
|
Vers Rivière-au-Tonnerre
|
Nous passerons une nuit au Havre, juste le temps pour Annie de passer à la commission scolaire. La secrétaire l'informera que tous les postes étaient comblés et qu'au mieux elle pourrait faire de la suppléance. C'est que contrairement à bien d'autres endroits éloignés, les jeunes semblent revenir après leurs études. C'est quand même beau le Havre et il y a un fort sentiment d'appartenance acadien.
|
Le Havre
|
L'étape suivante était de rejoindre la fin de la 138 à Natashquan. Nous ferons un arrêt à Baie-Johan-Beetz pour filmer notre message de remerciement, destiné à ceux qui étaient venus à notre mariage à la fin avril. Ce village a un cachet formidable et la maison du docteur Johan Beetz est souvent montrée dans les guides de voyage.
|
La maison du docteur d'origine belge, Johan Beetz (1874-1949)
|
À Natashquan nous marcherons beaucoup. Nous irons jusqu'aux Galets. Nous visiterons le musée où je devais rencontrer Bernard Landry, un passionné d'histoire de la Côte-Nord vivant à Baie-Comeau, mais originaire du village où nous étions. Il y passait tous ces étés pour s'occuper du musée. Nous nous voyions pour la première fois, mais avions échangé plusieurs courriels depuis le début de ma maîtrise.
|
Les Galets, où les familles de pêcheurs transformaient le poisson
|
Pour la nuit, nous avions réservé une place au camping. Après notre journée à nous promener dans Natashquan, nous avions moins envie de dormir dans une tente. Nous nous sommes mis à la recherche d'une chambre dans un gîte, mais tout était occupé. Nous nous sommes résignés et cette nuit de plein air deviendra un souvenir indélébile : les gens qui avaient loué l'emplacement avant nous avait visiblement fait un souper de crabe et avaient tout aussi visiblement jeté l'eau de cuisson exactement où nous avons monté notre tente. Nous devrons déplacer notre bivouac.
|
Natashquan |
Le lendemain de cette nuit pleine d'odeurs correspondait au départ du Nordik Express vers Kegaska, notre ultime destination. J'ai laissé Annie au port avec nos sacs et je suis allé stationner Honda Fit dans la cour d'un particulier, avec qui je m'étais préalablement entendu. Nous n'étions pas les premiers à lui demander cette faveur. J'ai ensuite rejoint Annie à pied.
|
Le bateau qui sera éventuellement remplacé par le Bella Desgagnés
|
Sur le bateau nous avons choisi de rester sur le pont. Plusieurs personnes embarquées depuis le Havre-St-Pierre monopolisaient les sièges intérieurs et ça sentait la vieille chambre à coucher. Avec les effluves de crabe de la nuit précédente, l'air froid du large était non seulement bienvenu, il était nécessaire.
|
Le port de Kegaska
|
Nous arrivions maintenant à Kegaska, le village que j'étudiais dans ma maîtrise. Un village qui me fascine toujours aujourd'hui. La propriétaire de l'auberge le Brion nous attendait au port avec sa camionnette. Elle nous a installé dans une chambre et nous sommes partis explorer les environs.
|
Kegaska |
Kegaska c'est le début de la Basse-Côte-Nord et la frontière entre deux univers. La mer, la nature, l'éloignement, l'histoire, tout contribue à faire de l'endroit un monde à part. Nous n'y passerons que quelques jours, le temps que le Nordik Express fasse son aller-retour vers Blanc-Sablon, mais quel agréable séjour. Nous nous sentions libres et sereins. Rien de moins.
|
Kegaska
|
Pendant que nous étions à Kegaska Annie téléphonera à la directrice de l'école de Port-Cartier, avec qui elle avait passé l'entrevue. C'est là qu'elle recevra la nouvelle de son embauche. Une certitude venait de naître, nous allions vivre à Port-Cartier au moins pour l'année scolaire 2011-2012.
Pourquoi pas?
|
Des situations comme ça il y en a beaucoup l'été sur la route 138. Je répète, beaucoup.
|
Commentaires