Maroc – La vallée de L’Ourika

 

Quand nous sommes partis pour notre premier voyage de l’année 2018, je me suis mis à écrire le récit de nos activités sur une base quotidienne. Ce n’est pas venu de nulle part, c’est notre amie Marie-Line qui m’inspirera cette habitude lorsque nous serons au Maroc en 2017. Cet été-là Annie et moi étions partis avec elle pour découvrir la destination touristique favorite de Winston Churchill.

Tous les soirs lorsque nous rentrions à notre Riad à Marrakech, ou notre hôtel à Casablanca, Marie-Line s’installait sur son lit et faisait aller ses pouces sur sa petite tablette. Elle racontait sur un groupe Facebook privé, les moments clés de notre journée qui prenait fin. J’ai adoré le concept et même si ma discipline fut parfois ébranlée par la fatigue et la paresse l’année suivante, j’ai réussi à maintenir le rythme pendant une centaine de jours de voyage cumulés. J’ai aujourd’hui la possibilité de lire quelques 100 000 mots pour me rappeler le Guatemala, la Colombie, Hawai’i, la Nouvelle-Zélande et le Népal.

Comme Annie et moi ne voyageons plus beaucoup, je me replonge régulièrement dans mes récits. Ce journal, intégralement disponible sur mon blogue Route 138, avait l’avantage d’être écrit à chaud, sans le recul des années et le remodelage par ma mémoire défaillante. Quand je décide de faire le récit d’un voyage passé, l’exercice est plus difficile et je dois me fier à des photos, des vidéos, des factures, des billets de musées et autres documents souvenirs.

En ce qui concerne le Maroc, j’ai tous les compte-rendus quotidiens de Marie-Line qui m’y ramènent avec moult détails. Comme cet été nous célébrons le cinquième anniversaire de nos aventures en ce pays, je me suis dit qu’il me fallait publier un truc sur le sujet. J’ai d’abord voulu publier les mots de notre amie sans trop les retoucher. Puis j’ai ensuite pensé qu’elle a un intérêt beaucoup plus prononcé pour la bouffe que moi et son récit est fortement influencé par ses papilles. Pourquoi ne pas réécrire le tout selon mon point de vue ? Parce que ça serait long et ennuyeux. Après réflexion et quelques tentatives d’écriture, j’ai choisi de parler de la journée qui m’a le plus fait rêver avant et qui aura été à la hauteur de mes attentes. Notre tour de la vallée de l’Ourika.


Comment c’est arrivé ?

Il n’y a pas de moment précis qui peut servir de balise pour savoir comment nous avons choisi le Maroc. Quand nous vivions à Port-Cartier, Marie-Line venait manger à la maison tous les week-ends et les conversations s’orientaient généralement vers les voyages passés et futurs. Ses intérêts étaient très européens et de notre côté, nous essayions de trouver des destinations moins populaires – même si elles n’existent plus vraiment – et moins chaudes, puisqu’Annie était enseignante à l’époque et que nous prenions toujours nos vacances l’été.

La surpopulation, les coûts prohibitifs et les canicules diminuent drastiquement le plaisir d’un séjour à l’étranger. Notre voyage au Guatemala en 2016 allait remédier à ces irritants. Les guides et documents que nous consultions nous laissait voir un tourisme encore en développement, un coût de la vie abordable, un climat intéressant dans les montagnes et par dessus tout, des scènes de Star Wars y furent tournées en 1977. Nous serons charmés au point que pour 2017 nous pensions retourner en Amérique centrale, peut-être au Nicaragua. Dans le feu d’une longue soirée de conversation, nous avons demandé à Marie-Line si elle voulait nous y accompagner. Elle n’était pas très chaude sur la destination, mais l’idée de faire un voyage avec nous la tentait. Après quelques soupers, étalés sur quelques week-ends, nous en sommes venus à délaisser le Nicaragua pour considérer le Maroc. 

Moi dans les souks de Marrakech.

Ce pays lui parlait. Le français est la langue seconde la plus répandue et Marie-Line adore le film Casablanca. Ce classique fut entièrement tourné dans des studios californiens, mais cela n’avait pas d’importance, elle avait des référents historiques et culturelles qui lui permettaient de se projeter là-bas, au contraire d’une destination latino-américaine. Les vols directs et abordables entre Montréal et Casablanca finiront de nous convaincre que nous faisions un excellent choix. Nous monterons un itinéraire simple de dix jours incluant un séjour à Casablanca, une journée à Rabat et le tout commençant par la magnifique Marrakech.

C’est de cette ville que nous organiserons notre tour d’un jour dans la vallée de l’Ourika. L’idée nous est venu de Celia Sandys, la petite-fille de Winston Churchill. Dans une mini-série en trois épisodes intitulée Chasing Churchill, elle raconte les voyages du célèbre politicien. J’ai fait écouter le segment sur Marrakech aux filles et on y parle beaucoup de cette vallée où Churchill aimait s’installer pour peindre les paysages. J’ai insisté pour inclure l’emplacement dans notre itinéraire. J’ai jeté un œil sur Internet pour voir les possibilités de tour guidé et l’abondance de l’offre m’a convaincu que nous pouvions attendre et demander conseil aux gens sur place pour faire un bon choix.

Une peinture de Churchill
source : Pinterest

À Marrakech, nous commencerons par demander à Chantal, notre hôtesse de la Riad Amanouz. C’est une personne fascinante. De nationalité française, elle est une fière manouche. Elle admire le Général de Gaulle et a connu Jacques Chirac. Elle s’est installée au Maroc parce qu’elle rêvait d’une maison sans toit, une riad. Elle animera nos petits-déjeuners en nous racontant des histoires de jeunesse. Pour le tour de la vallée, elle nous référera à Lahcen, son homme à tout faire d’origine touareg. C’est lui qui gère les activités de ce genre. Il nous offrira une journée complète, mais le prix nous rebutera et nous négocierons une demi-journée à la place. C’était vraiment radin de notre part, puisqu’une fois là-bas, il débordera généreusement de l’horaire convenu. À la fin de la journée, nous payerons le prix de la journée complète en ajoutant le pourboire.



Un tour plus en photos qu’en mots

 

Le matin du départ, j’étais fébrile. C’était un peu à cause de Churchill, mais c’était aussi parce que j’allais longer la rivière Ourika avec un Touareg comme guide, à la rencontre des Berbères et le tout au pied de la chaîne de l’Atlas. Il y avait de quoi faire exploser mon imaginaire. Pour le transport, Lahcen a loué un VUS Toyota. Sortir de l’immense plaine de Marrakech me paraîtra interminable, mais quand nous commencerons à voir les collines rougeâtres et la vallée creusée par la rivière, on se sentira dans un autre monde.

Nous aurons un petit rappel de la ville quand, en nous arrêtant à un magnifique point de vue, nous serons assaillis par des vendeurs à moto très insistants. Ils sillonnent la route et lorsqu’ils voient des touristes en pause, ils viennent à leur rencontre avec une poignée de bijoux plus ou moins artisanaux à vendre. Ce phénomène ne durera pas toute la journée puisque plus nous nous éloignerons de Marrakech, plus les gens croisés sembleront nous ignorer. Lors d’un autre arrêt, Lahcen tentera en vain de nous convaincre de faire des tours de chameau. Cela faisait partie de son horaire habituel.

Une autre activité de son agenda régulier était le musée de la maison berbère. À cet endroit, un guide nous faisait le récit du quotidien des familles. C’était très instructif et il y aura une occasion d’acheter des souvenirs dans une petite boutique. Les filles essaieront des foulards à la mode «désert». Pour dîner, Lahcen nous déposera au restaurant La Vallée, dont les tables sont installées dans la rivière Ourika. Cela permet de rafraîchir nos pieds dans l’eau pendant le repas. Nous remarquerons une bonne douzaine de ces restaurants ainsi aménagés. Des enfants jouaient dans le lit de la rivière, tout près d’un arbre déraciné dans une tempête récente. Un bébé chat avec une malformation des pattes arrières se promenait d’une table à l’autre pour solliciter de quoi manger.

Après le repas, nous continuerons de rouler jusqu’à un minuscule village appelé Agadir, mais nous n’irons pas le visiter. C’était vraiment trop petit, rien à voir avec la ville côtière homonyme et nous aurions eu l’impression de ne pas être à notre place. Tout au long du trajet, Lahcen nous divertira par des devinettes et des charades. Il n’aurait pas pu trouver meilleur public qu’Annie et Marie-Line qui adorent ces jeux. Nous ferons quelques arrêts chez des marchands qui n’y étaient pas le matin. Lahcen insistera pour que nous goûtions les figues de barbarie offertes par un de ses amis. Il en achètera une bonne quantité pour sa sœur Fatima, qui s’occupe de l’entretien ménager à la Riad Amanouz, et Chantal.

Le petit village d'Agadir

Cette journée restera mon meilleur souvenir du voyage. Le Maroc est superbe, ses villes et ses paysages splendides, son histoire fascinante, mais cette journée me plaira particulièrement parce que nous serons tranquilles avec le guide, dans une région avec une densité de population assez faible, sur les traces d’un personnage qui ne laisse personne indifférent. Cela nous changera de l’ambiance des villes que je n’ai pas tant appréciée. En toute honnêteté, j’ai trouvé les vendeurs aussi omniprésents qu’envahissants.

Je n’aime pas trop dire un truc du genre parce que j’ai l’impression de faire un jugement de valeur. Ça ne change rien au fait que plusieurs m’ont énervé. Je ne donne pas souvent de conseils directs. Je préfère laisser les gens se faire une idée subjective à partir de mon expérience biaisée. Dans le cas du Maroc, je ferai une exception en affirmant que pour mieux apprécier ce pays, il faut prévoir des sorties en dehors des grands centres. C’est facile et dangereux de tomber dans le piège et de tout miser sur ses villes de légende que sont Marrakech, Casablanca, Rabat, Tanger, Fes...


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