Guatemala 2016 - Partie 3 - Rio Dulce et Livingston

Troisième de neuf parties

Rio Dulce et Livingston


Avant de quitter pour Tikal, nous avions réservé, à l'aide de la réception de la Casa Amelia, un billet d'autobus à rabais pour Rio Dulce. Cette ville, à 200 km de Flores, est sur le bord de la rivière du même nom. Elle possède plusieurs attraits : point de départ idéal pour se rendre à Livingston, petite forteresse de l'époque coloniale, lieu pittoresque, rues marchandes (articles d'usage quotidien), ambiance bruyante et colorée.

Après avoir quitté notre hôtel de Flores, nous prenons notre premier tuk-tuk du voyage, vers la station d'autobus de Santa Elena. Le trajet prend cinq minutes et coûte 10 quetzales.

À la station, nous attendons notre autobus de la compagnie Fuente del Norte, en observant les locaux, qui nous observent en retour. Les toilettes sont très malpropres et on vide un cruchon d'eau dedans pour envoyer nos petits besoins. Il y a des jeunes en âge scolaire, qui vendent des fruits dans le stationnement.

Un autre touriste attend avec nous. Sur son chandail, on peut lire : «don't believe everything you think». Il sera malade pendant le trajet et refusera nos Gravol de gingembre bio.

À notre arrivée à Rio Dulce, il est environ midi. La route était belle et nous avons bien profité de la climatisation de l'autobus. Tant que nous ne serons pas dans les montagnes autour de la capitale, la chaleur restera accablante et les averses de nuit abondantes.

Avant même de sortir de l'autobus, il y a un jeune homme qui nous offre de l'aide dans un anglais approximatif. Nous avons l'air de touristes. Bien que notre oreille s'habitue lentement à l'espagnol, nous sommes toujours aussi nuls pour le parler. Nous lui demandons où se trouve l'hôtel Yair - que nous prononçons d'abord «yère», pour réaliser que c'est «yaïr» - et il nous met sur le bon chemin.

La petite rue défoncée qui mène à l'hôtel est un peu miteuse, à l'image de notre chambre. Il y a l'essentiel : une salle de bain complète, l'air climatisé, un matelas sans punaise et un colocataire gecko. Nous utiliserons nos doublures en soie pour le lit.

Une fois nos sacs déposés, nous repartons pour découvrir la ville, dont la vie tourne autour du gigantesque pont enjambant le Rio Dulce. Il s'agit d'une étape majeure, étant le principal point de passage entre le nord et le sud du pays. L'embouteillage permanent qui bloque la ville en est la preuve. Nous retrouvons bien rapidement et bien malgré nous, celui qui nous a aidé à trouver l'hôtel.


Impatient de nous aider à nouveau, il anticipe notre désir de trouver un bateau pour Livingston. Celle-ci est peuplée de descendants d'esclaves noirs, abandonnés sur la côte caraïbe à la suite d'un naufrage. Il n'y a aucune route pour s'y rendre, seulement des bateaux au départ de Rio Dulce, ou de Puerto Barrios. Nous avions choisi la première, parce qu'elle était une étape simple sur la route entre Flores et la Ciudad de Guatemala.

Notre guide improvisé nous offre de nous mener jusqu'au transport de notre choix : bateau collectif, ou navette privée. Le premier étant le tiers du prix, le choix est vite fait. Nous lui donnons un petit pourboire qui ne le fait pas sourire et nous achetons nos places pour le lendemain matin. Sur la liste de réservation où nous inscrivons nos noms, deux québécois y sont déjà : Maxime et Jean-Michel.

Une fois ces réservations réglées, nous arrêtons pour prendre de l'information sur les autobus vers la capitale. Avec la compagnie Litegua, il faut environ six heures et 80 Quetzales pour se rendre à la Ciudad de Guatemala. Cela nous convient, mais nous n'achetons pas nos billets tout de suite. Nous rentrons à l'hôtel et ressortons après quelques minutes, pour aller visiter le Castillo de San Felipe.

Nous hélons un tuk-tuk, mais le chauffeur nous refuse le trajet, préférant nous référer à un taxi. Il nous indique un restaurant de poulet frit – Pinulito – et il nous affirme que nous y trouverons un chauffeur de taxi pouvant nous amener au Castillo.

Nous y trouvons bien un chauffeur, qui nous prend dans sa vieille Toyota Corolla pourrie, pour 70 quetzales. Nous trouvions ça un peu coûteux au début, mais nous avons bientôt compris que ça incluait l'aller-retour : de ida y vuelta. Notre répertoire espagnol s'élargissait petit à petit. Nous prenons la route avec lui.

Arrivés sur le site, il s'installe avec quelques personnes qu'il connaissait déjà, en nous faisant signe d'y aller et de prendre notre temps. Comme nous n'aimons pas que quelqu'un nous attende, nous avons fait la visite en une trentaine de minutes. Si nous n'avons pas perdu de temps, nous n'avons pas couru non plus.


Le Castillo de San Felipe est une minuscule forteresse à la jonction du Rio Dulce et du lac Izabal. Elle servait à l'origine à protéger les eaux environnantes de la piraterie. Nous y parcourons les quelques pièces accessibles. Nous grimpons dans des escaliers qui ne rencontraient pas les critères de sécurité québécois. Nous évitons les pièces qui se trouvent sous le niveau du lac parce qu'elles sont inondées. Nous retournons vers l'entrée du site.

Notre chauffeur de taxi est toujours là, assis sur le pas de la porte d'une petite épicerie, en pleine discussion avec les propriétaires et employées. Nous rentrons vers le centre-ville de Rio Dulce et nous partons à la recherche de quelques trucs qui nous manquent.

Nous trouvons des lunettes de soleil, des sandales pour la douche et du pain pour notre déjeuner du lendemain. Ce faisant, nous parcourons les petites ruelles marchandes, dans lesquels nous détonnons avec nos fringues de touristes et nos yeux verts. C'est un très bon exercice pour confronter nos peurs sur le pays. Puis, ça nous a creusé l'appétit.

Nous avions remarqué que le restaurant de l'hôtel servait des plats régionaux. Nous avons choisi un délicieux et gigantesque burrito (dont le nom exact m'échappe), que nous avons partagé. Nous avons ensuite trouvé un petit comptoir à crème glacée tout près et nous sommes revenus manger ce dessert sur la terrasse de l'hôtel Yair. La soirée s'annonçait très chaude, nous sommes rentrés profiter de la climatisation.

À la télé ce soir-là, Tornado et Daylight (Le Tunnel). Avant de nous endormir, une pluie torrentielle s'abat sur la région. Le toit de l'hôtel est en tôle et notre chambre est à l'étage. Le bruit est infernal et nous nous demandons si cela va durer toute la nuit.

Si l'averse se calme avant la fin de Tornado, il pleut quand même une bonne partie de la nuit. Éventuellement, le courant manque et il se met à faire chaud dans la chambre. L'électricité reviendra au petit matin seulement, un peu avant de partir pour notre journée à Livingston.

Nous sommes au quai à 8h45. Un chien galeux nous fait penser à quel point notre chien, Sir Winston Churchill, est gâté à la maison. Nous reconnaissons bien vite les deux noms québécois de la veille. Ce sont deux frères, un est étudiant en kinésiologie à l'Université de Sherbrooke. Ils ont la tête en dreadlocks. Ils nous invitent à trouver leur blogue voyage sur Facebook, pour suivre leur itinéraire qui durera tout l'été et ira du Guatemala au Bélize.


Nous nous séparons en embarquant dans le petit bateau, lorsqu'ils prennent place avec des Français qu'ils ont rencontrés plus tôt dans leur périple. Nous prenons place derrière un couple d'Arizona qui voyage avec leur fille adolescente. Nous sommes juste devant le conducteur, qui est presque assis sur le moteur.

Nous quittons le quai et nous partons vers le sud. Je me penche à l'oreille d’Annie et lui dis : «tu le sais probablement pas, mais nous sommes partis dans la mauvaise direction». Je ne pouvais pas m'empêcher d'en parler, même si je me doutais qu'il y avait une raison.

Le trajet en bateau commence avec un petit détour pour aller voir le Castillo de San Felipe à partir de la rivière. Ce point de vue est excellent et a donné les meilleurs clichés du bâtiment. Notre pilote a ensuite fait demi-tour et s'est arrêté pour mettre de l'essence, avant le départ définitif vers Livingston. Il faut presque deux heures pour se rendre de la ville de Rio Dulce à Livingston par la rivière.

Dans le Rio Dulce, il y avait des traces évidentes de la violente averse de la nuit précédente. Des branches en quantité et parfois des arbres complets dans l'eau brunie par la boue. Le pilote devait ralentir régulièrement pour passer sur des débris, que nous sentions cogner sur la coque de fibre de verre. Comme il ne semblait pas inquiété par la situation, nous n'avons pas jugé bon de nous en faire.

Les paysages ont vite fait de nous faire oublier les quelques débris flottants. Des montagnes, des îles pleines d'oiseaux, des villages isolés, des pêcheurs, des voiliers de riches se succèdent sur l'eau. Dans une petite crique, nous faisons une halte inattendue. Deux femmes avec leurs enfants dans leurs canots nous attendent, pour nous vendre des souvenirs. Nous leurs donnons quelques quetzales et personne ne leur achète d'artisanat.


À ce moment, nous sommes un peu déçus de nous, parce que nous ne voulions pas donner d'argent. Nous avions apporté des Smarties et des raisins secs en petites boîtes à donner dans ce genre de situation, mais ces petits cadeaux sont restés à la chambre d'hôtel. Il y aura un autre arrêt à une source chaude pour ceux qui auraient besoin d'utiliser les toilettes, mais personne n'y va. Nous arrivons à Livingston à 11h45. Il fait une chaleur accablante. Nous suons abondamment.

La ville est minuscule. Nous remontons la rue principale jusqu'à la mer en moins de 30 minutes. Nous croisons un Australien, Jerry, qui vit là depuis 1987. Il a le visage rougit par le soleil. Nous nous promenons aux alentours, mangeons une crème glacée, achetons deux petits souvenirs et des galettes moelleuses aux épices. Après seulement deux heures, nous sommes de retour au parc, tout près du quai.

Notre capitaine est là, assis à l'ombre d'un arbre. Nous prenons place juste en face de lui. Il est fort sympathique. Nous rembarquons vers 14h20 et allons mettre de l'essence. Nous retournons au quai pour prendre deux autres passagers. Des soldats nous obligent à mettre des gilets de sauvetage. Le mien ne s'attache plus. Nous donnons des Gravols au gingembre bio à l'Américaine assise devant nous. Elle ressemblait un peu à Uma Thurman. Nous lui avons dit, elle était flattée.

Il n'y a pas d'arrêt pendant le retour. Notre pilote semble sentir la même chose que nous : de gros nuages noirs menacent la quiétude de notre trajet. C'est moins de 20 minutes avant d'arriver à destination que l'orage s'abat sur nous. Notre sympathique capitaine nous donne des bâches pour nous couvrir. C'est une piètre protection, mais une charmante attention. Nous nous jetons dans le premier restaurant à la sortie du bateau, histoire d'attendre la fin du déluge, en mangeant un quesadilla au poulet.

Nous faisons le bilan de notre journée en partageant notre assiette. Si le trajet vaut la peine, nous ne sommes pas impressionnés par Livingston. Peut-être que si nous étions restés la nuit, nous en aurions mieux profité. C'était une belle journée malgré tout, que nous terminons en achetant de la corde pour faire sécher notre linge et des pâtisseries pour la route du lendemain.


Pour lire la suite de ce voyage :

Ciudad de Guatemala

Antigua

Pacaya

Lago de Atitlan

Chichicastenango

Le retour