La grotte, la chute et le vedettariat
Je crois bien que notre hôte commence à en avoir assez de nous. Ce matin au déjeuner, il ne nous a pas demandé nos plans de la journée. Peut-être est-ce aussi parce que nous n’utilisons jamais ses recommandations. Je me demande quand même ce qu’il aurait dit de notre idée d’aller à la chute Davi, ou chute David, ou Patale Chango, ou Patale Chhango, dépendamment de l’endroit où vous regardez.
Nous aurions pu marcher, mais pas ce matin : trop paresseux. Nous sommes sortis de l’hôtel et en moins de cinq minutes, nous étions dans un taxi. Il y en a toujours un qui traîne. Nous avons demandé à ce qu’il nous attende à la chute, parce que nous ignorions encore que c’était en pleine ville. Sur la carte de Pokhara, l’emplacement donne l’impression d’être en campagne.
En roulant, le chauffeur nous a montré la Pagode de la paix au loin en voulant peut-être nous y amener, moyennant un léger supplément sur le montant déjà négocié. Nous lui avons dit que nous étions déjà allés. Quand le taxi s’est arrêté, il nous a montré la grotte. Nous n’avons pas très bien compris parce que nous n’en avions jamais entendu parler. N’étions-nous pas venu voir une chute?
D’un côté de la rue c’est la grotte Gupteshwor Mahadev et de l’autre c’est la chute. Nous avons profité de cette activité spontanée. Nous nous sommes engagés dans de courtes allées marchandes, pour arriver à un site bien entretenu et assez surprenant. On passe au guichet pour acheter un billet très abordable à 100 roupies par personne et ensuite on descend un escalier dans un grand puits décoré, pour entrer dans une galerie souterraine. À l’intérieur, il fait une chaleur humide intense, qui se stabilise ensuite en descendant plus profondément. Mon appareil photo n’a pas apprécié le changement de température et la lentille s’est complètement embuée.
La première chose qu’on voit après une statue de Ganesh, est un enclos pour une statue de vache sacrée, où nous avons dépassé les gens qui faisaient des prières. C’était un peu trop petit à mon goût, mais le reste de la grotte ne posait pas de problème à ma claustrophobie. L’itinéraire à suivre donne l’impression de s’enfoncer très longtemps sous terre, jusqu’à ce qu’on arrive à la chute. Nous sommes passés sous la rue. Les photos ne sont pas évidentes dans la pénombre, mais on se sentait comme dans les Goonies.
Il y avait un petit coin d’où nous pouvions voir la lumière à travers le trou creusé par la chute. C’était un cul-de-sac et tout le monde s’y rendait. Comme souvent, des jeunes nous ont parlé en anglais pour se pratiquer. Il y en avait trois au début, ils se sont tous nommés, je n’ai rien compris. Annie a demandé si elle pouvait les prendre en photo avec moi, ce qu’ils ont accepté avec plaisir.
Voyant l’opportunité, des gens se sont rués à mes côtés, aussi pour prendre des photos, avant même que les jeunes soient partis. C’est une pratique étrange, mais très drôle. Jamais on ne vit cela dans les quartiers touristiques. À cet endroit et à cette heure, nous étions les seuls touristes blancs. Apparemment, c’était impossible de passer inaperçu.
Pour sortir de la grotte il faut repasser par le même chemin et certains corridors sont très étroits. Dans l’un d’eux nous avons eu le malheur de dire «namaste» au premier et tout le monde a enchaîné de son souriant bonjour.
Nous avons bien rendu une douzaine de ces «namaste», avant de sortir de ce seul passage. En sortant de la galerie, j’ai vu deux statues que je n’avais pas pris en photo plus tôt et Annie m’a attendu en regardant des boutiques. Une de ces statues était un serpent à cinq têtes, ou Naga. C’est une famille de dieux autant masculins que féminins. Les déesses s’appellent des Nagini. Ça rappelle quelque chose à quelqu’un?
L’autre statue était celle d’une femme couchée dans l’eau. Je n’en ai pas trouvé la signification, mais l’ensemble était très réussi. De loin, Annie m’attendait et deux jeunes filles l’ont approchée pour se faire prendre en photo avec elle.
Nous nous sommes dirigés vers l’autre côté de la rue, avons croisé notre chauffeur de taxi qui nous a reconnu et avons emprunté une autre allée avec des petites boutiques de souvenirs. L’entrée était de 30 roupies. Décidément, cette journée ne coûtait pas chère.
À l’entrée du site se trouve un grand panneau explicatif. Le nom de Davi vient d’une Madame Davis, d’origine suisse, qui s’est noyée dans la rivière en 1961 et son corps a été difficilement récupéré dans la chute. Selon la description, la grotte serait une des plus grandes d’Asie du Sud.
Quelques minutes après notre arrivée, un homme a demandé à se prendre en photo avec Annie. Il a même demandé s’il pouvait mettre les bras autour de ses épaules. Nous avons regardé la chute, qui était plus impressionnante à partir de la grotte. Une chinoise se faisait prendre en photo avec son masque anti-pollution. Une jeune fille avec de grandes lunettes nous regardait intensément, mais n’a pas trouvé le courage de nous demander une photo.
En nous dirigeant vers la sortie, un groupe d’hommes nous a demandé d’où nous venions et ça s’est évidemment terminé avec une photo de groupe. Un peu plus loin, un type a demandé si nous étions ensemble. Nous lui avons montré nos alliances en disant que nous étions mariés. Il a insisté et demandé si nous l’étions vraiment. Pour être bien certain, il a demandé si nous avions des enfants, parce que c’est bien connu : pas d’enfant, pas marié. Nous lui avons répondu que nous en avions un. Après avoir dit «only one?», il a regardé autour de nous et a demandé où il était. Nous avons dit qu’il était avec la famille pendant notre voyage.
Il n’avait pas à savoir que nous parlions d’un chien. Il a reçu la palme de la personne la plus lourde rencontrée au Népal. Il ne restait plus qu’à voir une piscine à vœux et une série de mannequins sans tête pour se prendre en photo avec leurs corps. Notre visite s’achevait et il était encore tôt.
J’ai suggéré à Annie de demander à notre chauffeur, combien il en coûterait pour nous rendre à la Pagode de la paix. Ce que nous fîmes. Il a commencé par dire 2500 roupies. J’ai trouvé cela un peu cher et je n’avais pas envie de négocier. J’ai dit de laisser tomber. Il a revu son prix à la baisse et nous avons accepté, je l’avoue, parce que j’avais très envie d’y retourner.
Nous étions à une vingtaine de minutes de la Pagode de la paix. Le taxi nous a attendu dans un petit village et nous avons emprunté une autre série d’escaliers. Je crois qu’Annie commence à se sentir comme Stéphane à la fin du séjour en Colombie et elle en a marre que je la fasse monter sur toutes sortes de promontoires, pour profiter de la vue.
Nous sommes restés environ une heure à regarder la ville et les montagnes. Nous avons fait quelques tours. Nous avons rappelé à des Français dans quel sens tourner autour de la stupa. Nous avons pris une photo de notre hôtel et nous pouvions très bien voir notre fenêtre ouverte. Des jardiniers faisaient brûler des tas de mauvaises herbes arrachées.
Au retour dans le village où était stationné notre taxi, nous avons acheté quelques trucs pour dîner, puis nous sommes repartis. Notre chauffeur nous a déposé, avec nos instructions, devant notre hôtel. Nous avons relaxé une bonne partie de l’après-midi, en contemplant les montagnes et les centaines de petits parachutes qui descendaient du ciel. Notre hôte est venu voir ce que nous faisions et me voyant sur l’ordinateur, a mentionné qu’Internet était meilleur au rez-de-chaussée. «Best for work», a-t-il dit.
Nous sommes allés nous promener pour quelques commissions, dont un retrait parce que nos réserves de roupies s’épuisent lentement. Nous avons vu du sirop d’érable canadien qui se vendait 545 roupies, ou 6.81$ le 100 ml. Ce n’est rien, l’essence de citron se vendait 1030 roupies, ou 12.88$ le 43 ml. Nous avons soupé avec un brownie et une croustade aux pommes et chocolat. C’était parfait.
Nous avons ramassé notre lessive, que nous avions laissée le matin chez la même gentille femme que la semaine dernière. Annie a regardé les chandails à vendre dans la boutique et la jeune femme a dit : «need more t-shirts?» C’est que j’en avais acheté deux en apportant nos vêtements le matin.
Pour lire la suite de ce voyage :
2018-11-28 - Les adieux de Tal Barahi
2018-11-29 - Huit heures et 218 kilomètres
2018-11-30 - De Durbar à Durbar
2018-12-01 - Sagarmatha
2018-12-02 - Sanjay et Bhakta
2018-12-03 - Les ruelles de Kathmandu
2018-12-04 - Les yeux de tigre
2018-12-05 et 2018-12-06 - 35 heures et 57 minutes