Bindhyabasini
Nous nous sommes encore réveillés avec un horizon clair. La Pagode de la paix au sud et les montagnes au nord étaient toutes en beauté. Nous n’étions pas les seuls à l’apprécier, puisqu’une montgolfière prenait de l’altitude entre notre hôtel et Sarangkot. Le lever de soleil à partir de là devait être impressionnant.
Je suis monté sur le toit pour prendre tout ça en photo et en revenant à la chambre, j’ai fait une petite recherche Wikipédia sur Machapuchare. J’ai appris que son nom voulait dire «queue de poisson» en népalais et que c’était en référence à ses deux pointes. De Pokhara nous n’en voyons qu’une. C’est une montagne sacrée aux yeux des hindous et elle est interdite à toute expédition pour cette raison.
C’est pratique Wikipédia. Suivant ce difficile exercice intellectuel, nous sommes allés manger notre pancake du matin et avons demandé à notre hôte, ce qu’il pensait de Bindhyabasini, l’activité annulée d’hier. Il a répondu que c’était très ordinaire et que nous devrions plutôt aller voir le lac Begnas, à 15 kilomètres de Pokhara. Le problème est que nous connaissons ces 15 kilomètres pour y être passé. En arrivant de Bandipur par là, nous roulions à une vitesse moyenne de 20 km/h en raison des nombreux travaux de construction.
Le patron nous a laissé penser à tout cela pendant qu’il allait fouiner dans le jardin que nous croyions être celui de la voisine. En fait, il semble avoir le nez fourré partout. Nous le voyons souvent en train de discuter avec les ouvriers du chantier d’en face, ou de parler avec les passants. Il dit bonjour à tous ses voisins. Avec son air de Mr Bean, il est plutôt difficile à ignorer.
Nous avons monté notre itinéraire avec les idées d’Annie, en regardant la carte de la ville et nous sommes partis vers le temple de Bindhyabasini. Notre plan était de s’y rendre à pied et de revenir en taxi. Un chien nous a accompagné jusqu’à ce qu’il sente un reste de sandwich sur le trottoir. Nous nous sommes retrouvés dans des rues qui nous avaient donné du mal la semaine dernière (intersections complexes et absence d’identification). Notre objectif était de passer devant le terminus d’autobus pour touristes, histoire de savoir où nous devions nous rendre jeudi matin. La boussole aidant, nous avons pris la bonne direction.
C’est un grand terrain poussiéreux avec quelques guichets et plusieurs petits cafés. Il n’y avait que deux vieux bus. Les autres étaient sans doute partis depuis le matin pour Kathmandu. Nous l’avons contourné après avoir consulté notre carte, pour être certain de se diriger au bon endroit. Un jeune en uniforme d’école ayant vu notre manœuvre, nous a demandé si nous avions besoin d’aide. Nous l’avons remercié sans utiliser ses services.
Les gens sont très généreux et beaucoup d’étudiants donnent l’impression de vouloir pratiquer leur anglais avec nous. Dans une autre intersection au milieu de laquelle il y avait un temple, un homme en moto jaune nous a demandé si nous avions besoin d’aide. Nous l’avons aussi remercié sans utiliser ses services.
L’orientation urbaine fait partie de nos plaisirs de voyager. Dans une des petites rues que nous empruntions, nous avons croisé deux immenses buffles d’eau. Je n’étais pas inquiet jusqu’à ce qu’une Népalaise passe à côté de nous en courant, avec un petit rire nerveux. Elle n’aimait pas la compagnie de ces animaux. Nous ne sommes pas restés pour tester leur tolérance à deux touristes.
Quand nous sommes arrivés sur la New Road, une grande allée que nous n’avions jamais empruntée vers le nord, nous voulions refaire notre réserve de biscuits et pour cela, nous sommes entrés dans une petite épicerie. Comme le voyage avance, nous commençons à reconnaître plus de produits sur les tablettes. Nous avons trouvé les épices et le sucre qu’on nous sert dans les restaurants après les repas. Nous avons trouvé un mélange d’épices masala. Nous avons trouvé des mèches pour les bougies à l’huile. Nous avons aussi trouvé les biscuits que nous cherchions.
Un peu plus loin, nous sommes tombés sur une succursale de la boulangerie Angan. Nous en avions vu une à Kathmandu et avions adoré les produits goûtés. Il était temps pour nous de prendre une pause de toute façon. Il y avait un comptoir à pain, où j’ai choisi un pain plat et un pain buns comme j’avais pris dans la capitale.
Il y avait un comptoir à dessert et nous avons choisi quatre bouchées que nous avons partagées. Elles étaient toutes délicieuses. Avant de repartir, j’ai goûté à un morceau du pain buns et j’ai été déçu. Il était sec et moins sucré que le précédent. En sortant de la boulangerie, nous avons croisé deux petites filles avec un bébé qui mendiaient. Elles montraient une feuille à lire aux passants, mais nous ne l’avons pas regardée. Je leur ai donné le pain. Elles ont aussi demandé de l’argent, mais nous avons dit non.
Au bout de la New Road, nous avons rejoint la vieille ville de Pokhara. Il y a là plusieurs maisons de briques, avec du bois ouvré dans le style de Bhaktapur. C’est moins élaboré, mais beau quand même. Non loin d’un petit temple, devant une de ces vieilles constructions, il y avait un couple de touristes avec un guide privé. C’est une pratique courante que nous avons observée. Il y a peu de grands groupes d’occidentaux, comme il y a des groupes de Chinois, ou d’Indiens. En revanche, ce que nous voyons souvent, ce sont des petits groupes suivant un itinéraire avec un Népalais, qui leur explique en anglais la signification de tel sculpture, ou tel temple.
Avec tout cela, nous n’étions toujours pas arrivés à destination. Une fois sortis de la vieille ville et revenus sur ce que les gens du coin appellent le Highway (un boulevard à quatre voies), nous avons continué vers le nord. Nous commencions à trouver que le temple Bindhyabasini était loin. Un homme à la moustache fort bien entretenue, nous a demandé si nous avions besoin d’aide. Nous lui avons dit le nom du temple et il nous a pointé un petit pignon jaune un peu plus loin, en disant «right there». Nous l’avons remercié.
Le temple est situé en haut d’un escalier, au milieu d’une petite rue. En face de cette rue, il y a la route qui mène vers Sarangkot. Nous sommes passés devant plusieurs boutiques de fleurs, de bougies et autres babioles dont des pigeons. J’ai lu qu’il y avait des sacrifices offerts aux dieux dans ce temple les mardis. Est-ce que les pigeons sont les vedettes de ce rituel? L’information reste à confirmer.
Au bas de l’escalier se trouve une affiche indiquant l’emplacement du temple. Le nom n’est pas écrit comme nous avons l’habitude de le voir sur notre carte : Bindabashani. C’était assez proche phonétiquement pour que nous nous croyions au bon endroit. Une fois en haut, nous sommes restés le plus discret possible (comme deux blancs en souliers peuvent l’être, au milieu d’une centaine de Népalais pieds nus).
Les gens priaient et faisaient la file pour aller toucher aux idoles. De l’encens et des bougies brûlaient. Les femmes étaient bien habillées et se prenaient en photo. La vue était superbe sur la montagne sacrée. Au dessus de nous volaient deux grands oiseaux de proie. Ce n’était pas les petits aigles que nous voyons souvent.
Nous avons mangé un sac de chips «Made in Nepal», en regardant l’horizon et les gens. À la sortie du site se trouve aussi une très petite stupa bouddhiste. Dans un bassin nous avons pu voir le symbole phallique de Shiva, qui représente, avec le symbole féminin de Yoni, l’origine de la création. Il y avait un serpent aussi, mais je n’ai pas trouvé la signification.
Après cette dernière découverte, nous nous sommes trouvés un taxi pour rentrer à l’hôtel. Nous sommes allés dîner au Balaji Marwadi, notre restaurant préféré. Nous avons essayé le Peanut Masala, qui était l’équivalent de ce que nous avons mangé hier au Chautari. Il était moins bon. Les momos frits étaient encore excellents.
C’est avec la bouche en feu que nous sommes rentrés à l’hôtel, pour passer notre après-midi sur le balcon, à regarder les montagnes. Annie lisait le Hobbit et nous pensions à Bilbo qui dit au magicien : «Je veux voir des montagnes, Gandalf, des montagnes».
Anecdotes en vrac :
Autobus de touriste au Népal, ce n’est pas une appellation contrôlée. Il y a trois sortes d’autobus : celles où il est écrit Tourist, celles où il est écrit Tourist Only et celles où il est écrit केहि पनि. Les premières sont pour tout le monde, sans exception. Les deuxièmes sont pour les groupes organisés. Les dernières sont pour les Népalais.
Pour lire la suite de ce voyage :
2018-11-27 - La grotte, la chute et le vedettariat
2018-11-28 - Les adieux de Tal Barahi
2018-11-29 - Huit heures et 218 kilomètres
2018-11-30 - De Durbar à Durbar
2018-12-01 - Sagarmatha
2018-12-02 - Sanjay et Bhakta
2018-12-03 - Les ruelles de Kathmandu
2018-12-04 - Les yeux de tigre
2018-12-05 et 2018-12-06 - 35 heures et 57 minutes