Thamel
Nous avons bien essayé de dormir plus tard, mais nous ne sommes toujours pas habitués au 10h45 de décalage entre le Québec et le Népal. Au beau milieu de la nuit, c’était l’insomnie. Nous sommes restés couchés, par paresse et parce que la nuit, il fait très noir à Kathmandu.
En déjeunant, nous avons longuement discuté de toutes sortes de choses, sous le regard des employés. Nous monopolisions les divans de la réception, où ils ont l’habitude de consulter leurs téléphones, parce que la salle à manger est dehors. À 7h30 du matin, il fait trop froid pour aller s’y installer et puis notre omelette nature deviendrait froide en quelques secondes. Un peu avant de remonter à la chambre, l’électricité a coupé pour la deuxième fois de notre séjour.
Notre plan de la journée était simple, explorer le quartier touristique de Thamel. Avant de partir, nous avons fait une petite liste de choses dont nous avions besoin : mouchoirs, serviettes de table, ciseaux, une carte de Pokhara et des pantalons légers, parce que je ne me suis rien apporté pour dormir. Ils me seront aussi pratiques pour répondre à la porte, ou pour me promener dans la chambre quand les rideaux sont ouverts. Être en bobette c’est bien, mais pas toujours idéal.
En allant acheter de l’eau à la petite épicerie en face de notre ruelle, nous avons trouvé les serviettes de table et les mouchoirs. Nous les achèterons au retour. À quelques pas de là, nous avons vu un dépanneur qui avait l’air bien fourni. Nous avons demandé au propriétaire s’il avait des ciseaux. Il a répondu par la négative, mais nous a pointé un kiosque de l’autre côté de la rue, dans lequel il devrait y en avoir.
C’était le cas. En moins de 10 minutes, nous avions réglé plus de la moitié de notre liste. Commençait maintenant nos déambulations. Il nous a fallut un petit moment pour comprendre l’échelle de notre carte. Ainsi, pensant être dans un certain secteur, nous étions en fait à l’autre extrémité du quartier, simplement parce que nous avions parcouru une plus grande distance que nous croyions.
Prévoyant faire un tour à l’extérieur de Kathmandu, nous avons magasiné les taxis pour connaître le prix du trajet. Nous commencions toujours par leur dire que c’était pour demain, histoire de clarifier nos intentions. Vers la fin de notre journée, en repassant devant un des chauffeurs interrogés, il nous a dit : «Tomorrow, right?».
Je n’en revenais pas qu’il se souviennent de nous. S’il était le seul à nous reconnaître, il n’est pas le seul que nous ayons vu plusieurs fois. Un petit vendeur itinérant, avec sa boîte de Tiger Balm, allait croiser notre route trois fois dans la journée. Trois fois il essaiera de nous en vendre. Trois fois je lui dirai que je ne voyage jamais sans mon Tiger Balm.
Pour dîner, Annie a manifesté le désir de manger un chowmein au poulet, parce qu’il y en a très souvent d’affiché sur les publicités de restaurants. Nous avons choisi le Classic Rock, un espèce de Hard Rock Café, pour sa terrasse surplombant une petite stupa. Nous avons pu observer la faune locale, dont un vieil homme qui vendait des mandarines. Ses fruits n’auraient pas eu la cote au Québec, faute de colorant orange fluo.
En sortant du café, j’ai trouvé deux paires de pantalons en coton. Le vendeur de 23 ans nous a demandé si notre mariage avait été organisé par nos familles. Nous avons répondu que ce genre de situation était plutôt rare au Canada, du moins chez les petits blancs comme nous. Il nous a dit qu’au Népal, les mariages arrangés comptaient pour 50 à 60% des unions. Il était toujours célibataire.
Un peu plus tard, Annie s’est demandée si ses parents m’auraient choisi pour être son époux… Je préfère ne pas savoir. Pour rentrer, nous avons choisi une rue que nous n’avions jamais faite. Elle était fort intéressante et il y avait un magasin de machettes khukuri. Elles ont une forme courbée très particulière, sont d’origine népalaise, arment les soldats Gurkhas depuis des siècles et dans les boutiques spécialisées, elles sont de véritables œuvres d’art. Nous avions vu une autre boutique plus tôt et j’ai pris les cartes d’affaires aux deux endroits. Je vais assurément m’en acheter une.
C’est sur cette rue que nous avons trouvé le dernier élément de notre liste : une carte de Pokhara. Nous avons remonté lentement vers notre hôtel, en entrant aux endroits qui nous intéressaient. Il nous fallait aussi retirer de l’argent et pendant que je le faisais, Annie a trouvé notre dessert : une tartelette aux œufs portugaise.
Elle était plutôt bonne et seulement 80 roupies, soit un dollar. Pour rentrer, nous sommes passés par une ruelle inconnue de la majorité des touristes, dans laquelle il y avait un petit temple et une série de boutique et d’ateliers pour les gens du quartier. Pour s’y rendre, il fallait traverser une grande artère achalandée.
Je l’ai dit hier, nous traversons maintenant les rues comme des locaux. Il suffit de bien regarder et de calculer entre quels véhicules il sera préférable de passer. Ce n’est pas si compliqué, une fois que nous avons compris que les gens ne roulent pas si vite. Comment le pourraient-ils?
La circulation au Népal est un chaos permanent. Il n’y a pas de lumière de circulation, ni de panneaux d’indication, les conducteurs ne respectent pas les traverses pour piétons, les motocyclistes coincent leurs téléphones entre le casque et leur oreille pour parler en conduisant (pas bête), les chauffeurs de taxi bloquent la circulation pour vous demander si vous avez besoin d’eux, le bruit des klaxons devient banal.
Malgré tout cela, il n’y a aucun cas de rage au volant. En sortant de la petite ruelle, nous étions tout près de l’hôtel. Nous avons passé devant une boucherie de viande de chèvre, qu’Ornella nous avait fait remarquer au premier jour. Elle, végétarienne, n’appréciait guère de voir les carcasses et les têtes étalés sur la table, avec l’odeur et les mouches. D’autant que, sur le côté du bâtiment, les animaux vivants sont attachés. Vendredi il y en avait quatre. Aujourd’hui, il ne restait qu’une bête.
Pour lire la suite de ce voyage :
2018-11-13 - Bhaktapur
2018-11-14 - La journée aux trois objectif
2018-11-15 - Le temple des singes
2018-11-16 - Pashupatinath
2018-11-17 - La route de Bandipur
2018-11-18 - La tête dans les nuages
2018-11-19 - Pokhara
2018-11-20 - Thérapie
2018-11-21 - Trois taxis, deux musées et une marche
2018-11-22 - Les souliers rouges
2018-11-23 - Sarangkot
2018-11-24 - Les souliers à orteils
2018-11-25 - Bindhyabasini
Shanti Stupa
2018-11-26 - Bindhyabasini
2018-11-27 - La grotte, la chute et le vedettariat
2018-11-28 - Les adieux de Tal Barahi
2018-11-29 - Huit heures et 218 kilomètres
2018-11-30 - De Durbar à Durbar
2018-12-01 - Sagarmatha
2018-12-02 - Sanjay et Bhakta
2018-12-03 - Les ruelles de Kathmandu
2018-12-04 - Les yeux de tigre
2018-12-05 et 2018-12-06 - 35 heures et 57 minutes