Détail d'une porcelaine (cadeau de ma belle-mère) |
Je sais que beaucoup ont trouvé l’année 2020 longue et je sais aussi que les souvenirs généraux qu’elle laissera seront assez négatifs. Comme tout le monde, j’ai subit les inconvénients du virus en vogue. Kenny Rogers est mort. Annie et moi avons quitté la magnifique Côte-Nord. Ma sœur reportera son voyage autour du monde.
Malgré tout cela, je garde de bons souvenirs. Je donnai ma démission dans un certain marché d’alimentation. J’écoutai des centaines de films et épisodes de séries pendant le confinement. Je discutai de longues heures avec Seb, un Allemand rencontré au Népal en 2018, Neph, que certains connaissent déjà par mes textes, ou Stéphane, l’irritant Français. Je complétai une formation en lancement d’entreprise. Je rénovai mon nouveau logement avec l’aide de mon beau-père. Je commençai avec Annie à travailler à la cordonnerie de mon père, en prévision de la reprise officielle de janvier 2021.
Puis, me demandant sur quel sujet écrire en cette fin d’année, je réalisai que j’allais passer sous silence cette reprise de l’entreprise familiale. Le projet est né un soir de novembre 2016. C’était l’anniversaire de ma mère, décédée en février de la même année. C’était la première fois que je ne l’appelais pas pour souligner l’événement.
Ce soir-là, Annie et moi avons eu une grande discussion sur nos emplois – enseignement au secondaire et marché d’alimentation. Nous nous pensions à l’abri de ce genre d’épiphanie, mais la somme de «mort de ma mère» et «carrières insatisfaisantes» a provoqué quelque chose en nous. Sans trop comprendre les rouages psychologiques à la base, le résultat fut qu’Annie me demanda si je voulais reprendre la cordonnerie de mon père.
Bien sûr, la réponse était non. J’ai vu pendant des années mon père travailler six jours par semaine, dormir peu la nuit, se faire voler par des employés peu scrupuleux, travailler d’arrache-pied pour des montants minuscules, se faire engueuler par des clients pour un détail idiot. Non! Pas question! Puis, deux jours plus tard nous en reparlions et ainsi de suite. À Noël, je pris mon père à part et lui demandai de ne pas vendre sa cordonnerie sans nous en parler d’abord.
Instantanément emballé, il nous dira plus tard que nous avions un don pour le surprendre. Comme en 2013, quand nous voulions partir en voyage avec lui et que pour être bien certain qu’il ne change pas d’avis, nous lui payions son billet d’avion. Je vous raconterai. En d’autres termes, nous savons assumer nos décisions et l’une de nos premières en lien avec ce nouveau projet, fut d’acheter un immeuble pour déménager la cordonnerie. Nous avons vite trouvé, puisque le père d’Annie en avait un à vendre avec un local commercial. C'est lui qui m'aidera à aménager le nouveau local et à déménager la cordonnerie qui occupait le même bâtiment depuis 1950.
C’était en septembre 2017, moins d’un an après notre première conversation sur le sujet. Ça nous a laissé beaucoup de temps pour spéculer sur l’avenir. En 2018 nous nous gavions de voyages, Guatemala, Colombie, Hawai’i, Nouvelle-Zélande, Népal, en 2019 nous complétions notre dernière année sur la Côte-Nord et enfin, en mai 2020, dans des circonstances imprévisibles, notre chapitre d’exilé prenait fin.
Nous rentrions en Estrie où nous attendaient deux défis. Il y avait la cordonnerie, mais en plein confinement elle était fermée. Elle allait rouvrir graduellement à partir de la mi-juin. Le premier défi était de rénover notre futur logement, libre depuis mars. Le locataire devait quitter pour juillet, mais il trouva un endroit à son goût plus tôt que prévu. Une chance, parce qu’il y avait fort à faire. Chaque étape comportait son lot de surprises, prolongeant et complexifiant le travail.
Un autre événement vint prolonger les rénovations. Mon père voulait prendre une semaine de vacances en juillet. Il nous laissa décider si la cordonnerie devait fermer, ou non pendant son absence. Fermer une semaine n’eut pas été dramatique, mais Annie et moi voyions là une occasion d’immersion complète. Nous y passions déjà quelques journées par semaine pour aider mon père, ça n’allait pas être beaucoup plus compliqué, si ce n’est que je ne savais même pas comment utiliser l’Adler, étant habitué à une vieille Singer manuelle.
Mon père me montrera rapidement comment enfiler cette machine à coudre, avec son sac sur l’épaule et un pied dans la porte. Un peu inquiet il dira : «on part de loin». Malgré l’aide de mon frère et des deux employés de mon père, tous à temps partiel, malgré la présence quasi constante de Stéphanie, notre amie et nouvelle collègue, la cordonnerie prendra beaucoup de retard pendant cette semaine et il nous faudra attendre le retour de mon père pour venir à bout de la montagne d’articles à réparer.
Je dois admettre que nous utiliserons une grande part de la semaine à réorganiser l’espace et les procédures, afin d’améliorer certains irritants. Globalement notre stratégie fonctionnera et ça deviendra plus facile pour nous à la cordonnerie. Suite aux vacances paternelles, nous nous séparerons avec Stéphanie les journées, afin que mon père ne soit plus jamais seul. Ce sera à partir de ce moment, qu’il nous laissera prendre l’essentiel des décisions opérationnels.
C’est en octobre que tout est devenu concret, lorsqu’en remplissant ma déclaration chez le dentiste on me demanda ma profession. J’écrivis «cordonnier».
Sur ce dernier billet de l’année 2020, je vous souhaite un joyeux Noël et une bonne année 2021.
Vous manquâtes une de mes publications de 2020? En voici la liste :
Mon premier voyage à Toronto
Mon court voyage à Halifax
La petite histoire de Frédérique
Mon voyage familial en Floride en 2005
La petite histoire de ma maîtrise
Mon premier voyage à New York
Notre voyage en Californie
Petite frustration sur les séries télé
Petit compte rendu d'un film que j'aime
Un texte sur ma famille paternelle à Chartierville https://route138.blogspot.com/2020/08/chartierville.html
Allée 27b
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